Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale
Il
l’informa aussi que les premiers signes semblaient indiquer que Mincemeat
portait ses fruits : « Preuves réussite opération mais vital ne pas
éveiller soupçons. » Hillgarth répondit qu’il n’y avait pas de trace du
canot et que les pêcheurs de Punta Umbria se l’étaient probablement approprié.
D’après ses propres investigations discrètes, Hillgarth
savait déjà que la désinformation prenait une forme satisfaisante. L’agent
Andros avait « signalé qu’il y avait beaucoup d’agitation à propos de
documents officiels trouvés sur le corps d’un officier britannique à
Huelva ». Le moulin à rumeurs travaillait sans relâche : « Je
lui ai naturellement demandé d’en apprendre le plus possible. » Quelques
jours plus tard, Hillgarth tomba sur l’amiral Moreno lors d’une réception
donnée pour des diplomates étrangers. Le ministre de la Marine aborda de son
plein gré la question des documents, et « dit que dès qu’il apprenait
qu’ils avaient atteint Madrid (il était à Valence) il ordonnerait au chef [d’]
état-major de la marine de me les remettre immédiatement ». C’était un
mensonge éhonté. Des documents allemands montrent que Moreno accusa personnellement
réception des papiers, puis les remit, sans les ouvrir, à l’état-major.
Il s’ensuivit alors une conversation révélatrice entre
Hillgarth et son ami espagnol :
« Pourquoi t’es-tu donné tant de mal ? »
demanda Hillgarth nonchalamment.
« Je voulais m’assurer que personne ne puisse les voir
sans y être autorisé, répondit Moreno. Ce qui aurait pu être grave. »
Moreno se piégea lui-même. Hillgarth avait demandé que la
mallette lui soit restituée par un tiers, mais il n’avait jamais indiqué que ce
n’était pas une affaire de routine, et encore moins que le contenu était secret
et devait être tenu à l’abri des regards indiscrets. « Il ne connaissait
visiblement pas les termes exacts de la demande, qui était verbale et qui ne
l’aurait jamais conduit à dire ce qu’il a dit, rapporta Hillgarth à Londres. On
peut être certain que le gouvernement espagnol connaît la teneur des documents.
Je ne suis pas aussi sûr qu’ils soient arrivés jusqu’à l’ennemi, bien qu’ils
aient passé plus d’une semaine à Huelva et à Cadix. »
L’amiral espagnol jouait un double jeu dangereux. Le
19 mai, l’ambassadeur d’Allemagne, Dieckhoff, envoya un autre message à
Berlin, décrivant une rencontre avec Moreno : « Il m’a dit que les
informations dont il disposait indiquaient que des forces importantes se
rassemblaient en préparation d’une offensive sur la Grèce et l’Italie… Le
ministre de la Marine considère qu’une attaque sur la Grèce est fort
probable. » Tout en assurant aux Anglais que leurs secrets étaient bien
gardés, Moreno faisait simultanément passer ces secrets aux Allemands. L’amiral
malhonnête ferait un parfait outil pour renforcer la désinformation.
« L’opération a donné des preuves concluantes de jusqu’où les Espagnols
pouvaient aller pour aider l’Axe. »
Le 21 mai, à l’immense soulagement de l’équipe
Mincemeat, le paquet contenant la mallette du major Martin et d’autres effets
arrivèrent enfin à Londres. Aucune explication satisfaisante ne fut proposée
pour son inquiétante disparition qui avait duré une semaine. La bureaucratie espagnole
n’était pas la seule à faire des mystères. Les lettres furent immédiatement
envoyées aux scrutateurs spéciaux (la censure) pour un examen au microscope.
Ils commencèrent par inspecter les sceaux en cire et découvrirent que malgré
tout ce qu’ils avaient subi au cours des semaines précédentes, ils étaient
parfaitement intacts. « Les sceaux furent photographiés et marqués avant
le départ des lettres et ils ont été photographiés à leur retour. Ils n’ont été
altérés d’aucune manière. »
Mais ce n’était qu’une partie de l’histoire. « Même si
l’on peut affirmer que les sceaux n’ont pas été abîmés, [il est] tout à fait
possible que les lettres aient été roulées et extraites par les rabats
inférieurs… car le rabat inférieur est beaucoup plus profond que le rabat
supérieur, il y a largement la place de faire sortir le contenu. » Le cil
manquait dans chaque enveloppe, mais les examinateurs avaient posé un autre
piège, un peu plus scientifique. Avant d’être placée dans la mallette, en
avril, chaque
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