Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale
Alto Estado Mayor, l’état-major espagnol] qui entreprit de les ouvrir, de les reproduire et de les
sceller, puis de les lui rendre. Il remit ensuite le tout à l’attaché naval
britannique à Madrid. » L’avion anglais qui transportait le messager
semble avoir disparu en mer sans laisser de traces, en tout cas aucune qu’Adolf
Clauss et ses agents à Huelva aient pu trouver. « Les recherches menées
pour retrouver les restes de l’avion du major Martin et les corps des autres
passagers de l’avion n’ont pas abouti. » Mais, comme toujours, Kuhlenthal
avait une excuse : « Les pêcheurs déclarent que dans la zone dans
laquelle le cadavre a été trouvé, les courants sont si violents que d’autres
corps et des parties de l’avion pourraient être retrouvés ailleurs plus
tard. »
Le stade de décomposition aussi avancé du corps en un temps
aussi court était plus difficile à expliquer. Mais Kuhlenthal n’était jamais à
court d’idées : un examen médical du cadavre a montré qu’il n’y avait pas
de blessures ou de marques apparentes qui auraient résulté d’un coup avec un
objet contondant ou un couteau. D’après les preuves médicales, la mort est due
à une noyade (litt. : l’absorption d’eau de mer). Le cadavre portait un
gilet de sauvetage de modèle anglais et était dans un état de décomposition
avancé. De l’avis médical, il est resté dans l’eau pendant une durée de cinq à
huit jours. Cela contredit la preuve fournie par la découverte sur le corps
d’un reçu de night-club daté du 27 avril et la découverte du corps à
9 heures 30 dans la matinée du 30 avril. Toutefois, il est
possible que les effets des rayons du soleil sur le corps flottant à la surface
accélèrent la décomposition. Les médecins ont aussi déclaré que le corps était
identique aux photographies de ses papiers militaires, à l’exception d’une calvitie
plus prononcée sur les tempes sur les photographies. Soit la photographie du
major a été prise il y a deux ou trois ans, soit la calvitie des tempes est due
à l’action de l’eau de mer.
C’était un cas typique de crédulité, mêlée d’aveuglement et
de manipulation flagrante. Dans le rapport précédent, il y avait une erreur sur
la date des places de théâtre, mais au lieu de la corriger, ce rapport élude le
problème. Les légistes espagnols avaient conclu que la mort avait eu lieu au
moins huit jours plus tôt, avant le 30 avril, mais pour que cela concorde
avec sa propre chronologie (erronée), Kuhlenthal préféra dire que la mort
remontait à entre cinq et huit jours. Deux explications scientifiques
spécieuses mais semblant plausibles furent fournies pour expliquer pourquoi le
corps pourrissait et pourquoi le major Martin paraissait beaucoup plus vieux
que sur sa photographie. L’Abwehr avait décidé, dès le départ, que la
découverte était authentique et l’organisation biaisait les preuves, malgré des
lacunes évidentes, pour servir sa conviction. Kuhlenthal s’en tenait à son coup
d’éclat. Il n’avait pas d’autre choix car l’information avait maintenant
atteint les hautes sphères de la machine de guerre nazie.
Dans le sous-sol fétide de l’Amirauté, Montagu et Cholmondeley
suaient sang et eau sur un développement totalement imprévu qui aurait pu être
drôle s’il n’était pas si alarmant : la mallette du major Martin avait
encore disparu. Hillgarth avait accusé réception de l’attaché-case et d’autres
effets personnels le 11 mai et avait promis de les envoyer à Londres par
la valise diplomatique le 14 mai. Mais le 18 mai, le paquet n’était
toujours pas arrivé à la salle 13 et l’équipe Mincemeat commençait à
paniquer. Ce soir-là, Hillgarth reçut un télégramme crypté : « Mallette
toujours pas arrivée. Urgent recevoir lettres le plus tôt possible. Mallette
envoyée par air ou par mer ? » Hillgarth répondit immédiatement que
les objets, emballés dans « une petite valise scellée », avaient
quitté Madrid pour Lisbonne, comme prévu, et auraient dû arriver par avion,
personnellement adressés à Ewen Montagu. Ils avaient travaillé pendant des mois
pour que la mallette tombe entre les mauvaises mains, comme par accident. Et
là, il semblait bien qu’elle soit tombée entre les mauvaises mains, par
accident.
Dans le même télégramme, Montagu demandait si le canot
pneumatique envoyé à la dérive par le Seraph s’était échoué.
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