Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale
sommes-nous
rencontrés pendant la guerre, comme c’était idiot – s’il n’y avait pas la
guerre, nous serions presque mariés à l’heure qu’il est, nous serions en train
de choisir des rideaux, etc. Et je ne serai pas assise là, dans un
horrible bureau du gouvernement à taper des rapports débiles toute la
journée – je sais que le travail futile que je fais ne contribue même pas
à réduire la guerre d’une minute.
Mon très cher Bill, j’aime tellement ma bague – scandaleusement
extravagante – tu sais à quel point j’adore les diamants – je
n’arrive pas à en détacher les yeux.
Je vais à une horrible soirée dansante ce soir avec Jock
et Hazel, je crois qu’ils ont invité un autre homme. Je sais de quoi leurs amis
ont toujours l’air, il aura une charmante pomme d’Adam et un crâne chauve bien
brillant ! Comme c’est moche et ingrat de ma part, mais je ne suis pas
vraiment ça – tu sais – n’est-ce pas ?
Écoute mon amour, je ne travaille pas dimanche et lundi
prochain car c’est Pâques. Je rentrerai à la maison, évidemment, viens aussi si
tu peux, ou si tu ne peux pas quitter Londres j’y ferai un saut et nous
passerons une soirée heureuse ensemble – (au fait, Tante Marian m’a dit de
t’amener pour dîner la prochaine fois que je monterai, mais je pense que ce
n’est pas pressé ?)
Voilà le Basset, plein d’amour et un baiser de
Pam
Hester Leggett termina la seconde lettre par une fioriture,
tandis que l’écriture aux boucles rondes de Pam se transformait en un
gribouillis pressé.
Pour faire bonne mesure, Montagu et Cholmondeley ajoutèrent
dans le portefeuille de Martin une facture d’un montant colossal de
53 livres 0 shilling 6 pence pour l’achat d’une bague de
fiançailles de chez S. J. Phillips sur New Bond Street. Sur la bague
était gravé « P. L. de la part de W. M. 14 4 43 ».
Deux autres lettres complétaient les effets personnels de
Martin. La première lui était adressée par son notaire,
F. A. S. Gwatkin, de McKenna & Co., et faisait référence à
son testament et à des questions fiscales : « Nous ajouterons le legs
de 50 livres à votre ordonnance », écrivit M. Gwatkin, qui
regrettait de ne pas encore pouvoir remplir la déclaration de revenus de Martin
au titre de l’exercice 1941/42 : « Il semblerait que nous
n’ayons jamais reçu les renseignements indispensables et nous vous serions
reconnaissant de bien vouloir nous les communiquer. » En outre, le délai
de remise de la déclaration de revenus du major Martin était déjà dépassé.
Enfin, il y avait une autre lettre de John Martin, qui était une copie de la
lettre au notaire de la famille et dans laquelle il discutait du régime
matrimonial de son fils et insistait sur le fait que « comme la famille de
sa femme ne contribuait pas à la dot, je ne pense pas qu’il soit sage qu’ils
conservent, au décès de William, l’usufruit des fonds fournis par mes soins. Je
n’accepterai cette disposition qu’à condition que des enfants soient issus du
mariage ».
Montagu et Cholmondeley étaient ravis de la tournure que
prenait l’intrigue qu’ils avaient créée, sur laquelle planait un pressentiment
d’un désastre imminent, et qui mettait en scène un héros fringant mais raté,
une héroïne sexy, légèrement farfelue et des seconds rôles
tragi-comiques : le Basset, Père, la grosse Priscilla et Whitley Jones, le
banquier. Mais vu avec près de soixante-dix ans de recul, l’intrigue semble
presque éculée. L’impression de danger imminent et les
« pressentiments » de Pam sont par trop mélodramatiques. « Bill,
mon amour, s’il te plaît, ne les laisse pas t’envoyer au loin, comme ils
semblent avoir coutume de le faire… »
L’amiral John Godfrey insistait sur le risque qu’il y avait
à trop peaufiner une ruse d’espionnage. « Plus on approche du
renseignement de type “thriller”, plus celui qui donne et celui qui reçoit
doivent être sur leurs gardes. Les tournures élégantes ne devraient pas avoir
leur place dans le vocabulaire d’un officier du renseignement. En revanche,
celui qui ne sait pas raconter une bonne histoire est assommant. »
À ce moment-là, Godfrey n’était plus là pour donner son avis
éclairé. Au beau milieu de l’opération Mincemeat, Montagu et Cholmondeley
perdirent leur mentor. Le caractère corrosif de l’amiral avait fini par
dépasser les bornes : il fut
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