Opération Mincemeat : L'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale
aurait
découvert que cette bague n’avait jamais été vendue.
Montagu et Cholmondeley ne tenaient aucun compte du danger
d’être inquiété par un agent ennemi en Grande-Bretagne pour la simple raison
qu’ils ne pensaient pas qu’il y en avait. « La sécurité était quasi
absolue, écrivit Montagu. Nous pouvions faire croire tout ce que nous voulions
à l’ennemi. » Certes, parmi les centaines d’espions ennemis parachutés,
débarqués ou entrés clandestinement en Grande-Bretagne, tous ont été repérés et
arrêtés sauf un : l’exception avait été retrouvée morte dans un bunker
après s’être suicidée. Les Allemands ne menaient tout bonnement pas
d’opérations de renseignement en Grande-Bretagne. En mars 1943, il y avait
tant d’agents doubles dans le Système Double Cross que « Masterman souleva
la question de savoir s’il n’était pas temps de “liquider” quelques agents, à
la fois pour accroître l’efficacité et pour améliorer la vraisemblance ».
Un « sous-comité exécutif fut formé » pour liquider un faux agent
« tous les mois ou presque ».
Tous les soirs, Montagu rentrait chez lui à bicyclette, avec
sa mallette pleine de secrets, conscient d’être « le seul “désinformateur”
en contact quotidien avec tous les services spéciaux », et que ses secrets
étaient parfaitement en sécurité. Pourtant, il y avait de nombreux espions à
Londres en provenance de pays supposés neutres qui auraient été heureux de
fournir des informations aux puissances de l’Axe. Ewen Montagu ne le sut
jamais, mais un espion opérait sous son nez, un homme avec qui il partageait un
penchant pour le fromage exotique et le tennis de table, ainsi que ses parents.
Ivor Montagu passait son temps à fonder et à devenir membre
de divers clubs. De la Ligue des mangeurs de fromages et de la Fédération
internationale de tennis de table en 1926, il était passé à l’Association des
techniciens du cinéma, la Société zoologique, le Club de cricket de Marylebone,
le comité de rédaction du Labour Monthly , le Conseil mondial de la paix,
les Amis de l’Union soviétique, le Club de football de Southampton United, la
Société pour les relations culturelles avec la Russie soviétique et la
présidence de la branche de Woolwich-Plumstead du Congrès contre la guerre.
En devenant agent du renseignement militaire soviétique, il
était aussi devenu membre d’un club moins public et encore plus exclusif.
En partie en signe de provocation envers ses parents de la
haute bourgeoisie, Ivor Montagu avait, dès son plus jeune âge, montré un vif
« enthousiasme pour tout ce qui avait trait à la Russie », et un
penchant pour les opinions politiques radicales. En 1927, alors âgé de
vingt-trois ans, Ivor fut contacté par Bob Stewart, l’un des fondateurs du
Parti communiste britannique et recruteur d’agents soviétiques en
Grande-Bretagne. Stewart dit à Montagu : « L’Internationale
communiste nous a demandé de t’envoyer immédiatement à Moscou. Quand peux-tu
partir ? » À Moscou, Ivor fut accueilli en héros et flatté : il
joua au tennis de table au siège du Komintern avec « les meilleurs joueurs
de Moscou », il alla au Bolchoï et regarda le défilé révolutionnaire
depuis une loge sur la Place Rouge. Une personne des hautes sphères de l’État
soviétique avait pris Ivor Montagu en charge.
Après son retour en Europe, la carrière cinématographique
d’Ivor était en plein essor, comme son intérêt pour le tennis de table, les
rongeurs et les films soviétiques. Au même moment, son engagement envers le
communisme s’intensifia. En 1929, il entreprit une correspondance avec Léon
Trotski, le révolutionnaire bolchevik mis au ban du Parti communiste et vivant
en exil sur l’île turque de Prinkipio.
« Cher camarade Trotski, écrivit Ivor le 1 er juillet.
Laisse-moi me porter volontaire pour le service… Je serais heureux de me rendre
utile de quelque manière que ce soit. »
Trotski répondit, sur un ton amical, et une correspondance
plus qu’improbable s’ensuivit. Ivor échafauda des plans pour rencontrer le
révolutionnaire soviétique exilé en personne. Il décrirait son voyage à
Prinkipio comme l’innocente excursion d’un jeune idéaliste étudiant les
fractures du communisme russe. Il semblait plus probable qu’il y fut envoyé par
Moscou pour gagner la confiance de Trotski et rendre compte de ses activités.
Ivor arriva
Weitere Kostenlose Bücher