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Par ce signe tu vaincras

Par ce signe tu vaincras

Titel: Par ce signe tu vaincras Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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s’est émietté en nations rivales. La religion des infidèles est un bloc inentamé. De la Perse à Budapest, d’Alger à Chypre, de Kotor à Jérusalem, le sultan Selim II règne sans partage sur ses sujets. Et les fait écorcher ou empaler s’ils se rebellent.
    Montanari avait attendu que cessent les acclamations des soldats et des marins saluant l’agilité des charpentiers et des gabiers qui se laissaient maintenant glisser le long des cordages, leur travail achevé, le crucifix solidement arrimé.
    — Ils veulent être partout les maîtres, avait repris Montanari. Ils veulent nous chasser du monde comme ils nous ont déjà chassés de Jérusalem. Et nous l’avons accepté. Ils ont conquis Chypre. Ils se sont avancés jusqu’à Vienne. Ils sont déjà à Valona, à Durazzo, à Scutari, à Castelnuovo. Leurs navires croisent devant la lagune et nous défient. Leurs espions sont innombrables.
    Il s’était penché, avait murmuré que rares étaient ceux qui avaient su que les arsenaux et les chantiers navals de la République avaient été détruits, il y avait de cela quelques mois, en septembre, par des explosions et des incendies.
    — Celui qui peut acheter les hommes ou qui les terrorise trouve partout des alliés, des complices, des mercenaires.
    Un instant il avait écouté les chants, les tambours, les trompettes qui donnaient le signal de l’appareillage.
    — La guerre avec eux ne cessera jamais, avait-il continué, même si, dans quelques jours, nous remportons la victoire et dispersons la flotte d’Ali Pacha. Nous, Vénitiens, avons déjà essayé mille fois d’instaurer avec eux la paix du commerce. J’ai payé les rançons qu’ils exigeaient. J’ai versé les droits qu’ils nous imposaient. J’ai négocié des traités, des trêves. Nous avons pu vendre nos futaines et acheter leur soie et leurs épices. Mais j’ai eu beau me soumettre à leurs règles, respecter nos conventions, ils ont toujours, à la fin, trahi leurs serments. Ils veulent faire de nous leurs esclaves. Pour eux nous sommes vils comme la poussière, damnés, voués à l’enfer. Voilà ce qu’ils disent et écrivent de nous.
    Il s’était tourné. Après avoir doublé la jetée de Messine, les premières galères affrontaient déjà la houle.
    — Donc, avait ajouté Montanari, cette guerre sera sans fin.
    Il avait serré ses mains en les soulevant à hauteur de son visage.
    — Nous sommes liés à eux comme le Bien l’est au Mal, comme les corps des enfants monstres soudés l’un à l’autre. Jusqu’au jugement dernier notre avenir aura ainsi la couleur du sang.
    Il avait regardé le crucifix et le mât qui, sous l’effet du roulis, oscillaient.
    — Dieu le sait, avait-il murmuré.

3.
    Seigneur, Vico Montanari avait raison !
    Tout au long de ma vie j’ai vu couler le sang des hommes et, Vous le savez, je l’ai moi-même répandu.
    Souvent, avec un entrain féroce, j’ai crevé les corps ennemis à coups de dague et d’épée.
    J’ai ordonné aux arquebusiers que je commandais d’ouvrir le feu en visant la poitrine et le visage des infidèles et des hérétiques.
    Et lorsque, le dimanche 7 octobre 1571 en fin de matinée, j’ai bondi sur la Sultane , la galère capitane d’Ali Pacha, j’ai crié qu’il ne fallait pas faire de quartier.
    Je n’avais jamais vu les infidèles se refuser le plaisir d’infliger des souffrances à l’un d’entre nous.
    Durant ces cinq années que j’ai passées dans les bagnes barbaresques d’Alger ou enchaîné au banc de leurs chiourmes, combien de chrétiens ont-ils tailladés, écorchés, empalés, dépecés, parce qu’il fallait que le maître musulman amuse et surprenne ses invités, ou glace d’effroi la chrétienne que, ce soir-là, il avait choisie dans son harem ?
    Il suffit que je me souvienne de ces scènes pour en avoir, tant d’années après, le corps couvert de sueur. Et il faut que je me morde les lèvres, Seigneur, pour ne pas hurler de rage et maudire non seulement l’infidèle, notre bourreau, mais les renégats qui avaient fait alliance avec lui, oubliant que nous étions des milliers de chrétiens à souffrir sous sa loi.
    Alors que notre vie dépendait du bon vouloir et des humeurs de notre maître, comment n’aurais-je pas maudit mon père, mon frère et mon roi qui accueillaient des infidèles dans nos ports et sur notre terre, les honoraient, préparaient avec eux le siège de villes chrétiennes parce qu’elles

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