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Par ce signe tu vaincras

Par ce signe tu vaincras

Titel: Par ce signe tu vaincras Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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appartenaient à l’empereur Charles Quint, au roi des Espagnes ou au duc de Savoie ?
    Je n’ai donc eu aucun remords quand, au soir de la bataille de Lépante, j’ai vu flotter par centaines des cadavres d’infidèles au milieu des rames, des épaves brisées, des mâts rompus par la canonnade. J’ai éprouvé au contraire le sentiment d’une mission accomplie, d’un juste devoir rempli.
    Éclairée par les incendies qui achevaient de dévorer les galères musulmanes, la mer était comme du sang.
    Je devinais, courant au milieu des flammes, les silhouettes de nos soldats, de nos marins, des forçats chrétiens qu’on avait libérés de leurs chaînes pour le temps des combats. Ils pillaient les coffres des pachas, s’enveloppaient de tissus de soie, achevaient ou jetaient à la mer les blessés infidèles.
    De temps à autre, dominant le son des trompettes, des castagnettes et des tambours, voire le crépitement des ultimes arquebusades, des cris retentissaient : « La victoire est à nous ! » lançaient d’une galère à l’autre les chrétiens. C’était comme un rugissement qui roulait sur la mer rougie.
    J’étais appuyé au château de poupe de la Marchesa.
    Blessés et morts gisaient autour de moi parmi les débris de bois.
    Assis à mes côtés, Miguel de Cervantès étanchait le sang qui coulait de son bras et de sa main gauches, main brisée par une décharge d’arquebuse.
    Les vêtements déchirés, l’armure bosselée, Vico Montanari somnolait contre mon épaule.
    Le visage balafré par un coup de lame, Benvenuto Terraccini regardait la tête du christ que j’avais posée sur mes genoux, la tenant à deux mains. Il répétait qu’il avait toujours su que son œuvre nous protégerait, qu’elle était signe de victoire, parce qu’une volonté divine avait guidé sa main lorsqu’il avait sculpté le bois.
    Plus loin sur le pont, parmi les corps allongés, j’ai reconnu celui d’Enguerrand de Mons.
    J’ai craint, en découvrant les taches de sang qui maculaient sa cape blanche de chevalier de Malte, qu’il n’eût succombé.
    J’ai fermé les yeux et prié Dieu qu’il me fasse compagnon du dernier voyage d’Enguerrand de Mons.
    Nous cheminions de conserve depuis si longtemps !
    Enguerrand de Mons et moi nous nous étions d’abord griffés, mordus, empoignés, battus à coups de branche ou d’épée dans les forêts qui entourent la Grande Forteresse de Mons et le Castellaras de la Tour. Puis nos familles s’étaient réconciliées pour quelques mois.
    Le roi François I er avait cessé sa guerre contre l’empereur Charles Quint et décidé de se rapprocher de la sainte Église et de son pontife, Clément VII Je n’ai compris cela que plus tard, quand j’ai cherché à déceler pourquoi, après s’être tant haïs, les Mons et les Thorenc chevauchaient côte à côte sur la route qui, par Draguignan, conduit à Marseille.
    J’écoutais. J’observais. J’entendais le père Verdini raconter comment les « mal-sentants de la foi » avaient défié le roi jusqu’en son château de Blois en affichant des placards imprimés sur la porte de la chambre du souverain.
    Il avait pu y lire qu’il n’était, lui, le Très Chrétien, qu’un homme qui refusait la vérité sainte, qui professait, comme tous les papistes, les « horribles, grands et insupportables abus de la messe papale inventée directement contre la sainte cène de Notre-Seigneur, seul médiateur et sauveur Jésus-Christ. »
    Furieux, le roi avait appris que ces placards avaient été répandus partout et qu’à Paris une statue de la Vierge avait été brisée au coin de la rue du Roi-de-Sicile et de la rue des Juifs, qu’en d’autres villes du royaume les huguenots, les adeptes de la secte luthérienne, avaient commis de semblables sacrilèges.
    Alors François I er avait ordonné qu’on brûle ces prétendus réformés qui n’étaient que de vrais hérétiques. Et dans tout le royaume les flammes des bûchers avaient commencé de s’élever, la chair de grésiller.
    Le père Verdini se signait en se félicitant : « Dieu, disait-il, avait éclairé le roi et ceux qui le suivaient. »
    Mon père et mon frère avaient regagné le Castellaras de la Tour. Ils avaient assisté à toutes les messes que le père Verdini célébrait dans notre chapelle. Ils l’avaient écouté, sans ciller, vouer à l’enfer les « mal-sentants de la foi », mais aussi ceux – et sa voix avait tremblé – qui

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