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Par ce signe tu vaincras

Par ce signe tu vaincras

Titel: Par ce signe tu vaincras Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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ma gorge s’étaient immobilisées.
    Dragut s’était approché de moi, plissant les paupières, dissimulant ainsi son regard dont j’avais pourtant perçu, entre les cils, la dure acuité. Les hommes qui me tenaient par les bras avaient voulu me forcer à m’incliner devant lui. J’avais résisté et dit :
    — Castellaras de la Tour, Louis et Guillaume de Thorenc.
    Dragut m’avait dévisagé puis, d’un geste, il avait ordonné aux soldats de me contraindre à m’agenouiller.
    Ils avaient tordu mes poignets, pesé sur mes épaules jusqu’à ce que mes lèvres s’imprègnent de la suave tiédeur du sang qui inondait le pont.
    Le talon de Dragut s’était enfoncé dans ma nuque.
    — Qui es-tu ? avait-il questionné d’une voix rauque et méprisante.
    Je n’avais pas répondu malgré les coups de pied qu’il commençait à m’asséner, frappant de la pointe de sa botte mes flancs et mon visage.
    Mais j’étais prêt à mourir plutôt que d’avouer, parmi les morts qui m’entouraient, que j’étais le fils de Louis de Thorenc et le frère de Guillaume.
    J’avais rompu avec eux.
    Je m’étais enfui du Castellaras de la Tour en compagnie du père Verdini et de Salvus.
    J’avais entendu mon père et mon frère promettre à Dragut qu’une flotte royale rassemblée à Marseille et à Toulon allait rejoindre les cent galères barbaresques que le Sultan avait promises à François I er et que Dragut devait conduire devant Nice afin de bombarder puis de conquérir la ville.
    J’avais compris que, depuis que François I er avait lancé son « cry de guerre » contre Charles Quint, peu lui importait de connaître la religion de ceux qui étaient décidés à s’allier à lui.
    Et mon père et mon frère partageaient cette opinion.
    Ils se souciaient peu de savoir que des prisonniers chrétiens étaient enchaînés sur les bancs des galères de Dragut, qu’ils y étaient fouettés jusqu’au sang.
    Ils étaient prêts à laisser les infidèles piller une ville chrétienne, en violer les femmes, en égorger les hommes ou les réduire en esclavage. J’avais honte de porter le nom de Thorenc.
    J’ai confié à Enguerrand de Mons ce que je savais. Ce faisant, je n’ai pas eu le sentiment de trahir les miens ni le roi de France, mais, au contraire, celui d’être fidèle à ma foi. Je rachetais leur faute.
    Pendant que je parlais à Enguerrand, j’ai aperçu sa sœur Mathilde qui m’écoutait, assise dans la pénombre. Ma voix s’est faite plus assurée.
    Aujourd’hui, Seigneur, après tant d’épreuves subies, tant de sang répandu, il m’arrive de me demander si, dans ma résolution d’alors, il n’y avait pas avant tout le désir de plaire à Mathilde de Mons.
    Je sais maintenant que les raisons qui poussent les hommes à agir sont aussi mêlées que les fils d’un écheveau.
    Mais je n’ai pu alors m’approcher de Mathilde.
    À peine ai-je eu le temps de croiser son regard et d’en être ému, puis de remarquer, au moment où son frère m’entraînait, qu’elle me suivait des yeux. J’en trébuchai tant j’étais troublé.
    Mais l’heure n’était pas aux échanges courtois.
    Enguerrand de Mons donnait l’ordre qu’on sellât des chevaux.
    Il fallait, me dit-il, avertir les défenseurs de Nice de l’attaque qui se préparait contre leur ville.
    Lui tenterait de s’y rendre par voie de terre. Mais l’entreprise était difficile ; les troupes de François I er s’étant avancées jusqu’aux berges du Var, il craignait de ne pouvoir franchir le cours d’eau.
    Il m’invita donc à embarquer sur l’une des galères espagnoles qui relâchaient dans les criques de la côte qu’on appelait des Maures, cherchant à surprendre les navires barbaresques dont les équipages dévastaient les villages du littoral.
    L’un de nous, espérait Enguerrand de Mons, réussirait bien à gagner les terres du duché de Savoie.
    — Dieu nous protège ! lança-t-il au moment où nous nous séparions.
    Je ne suis jamais parvenu jusqu’à Nice.
    À peine notre galère eut-elle quitté l’abri des rochers rougeâtres que deux vaisseaux barbaresques, plus rapides, nous prirent en chasse.
    J’ai imaginé les galériens chrétiens courbés sur les rames, fouettés jusqu’au sang, accélérant la cadence afin que les navires de leurs bourreaux nous rejoignent.
    Bientôt ce fut fait.
    Alors les hommes de Dragut bondirent sur le pont de notre galère et commencèrent à hacher et à

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