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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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France, perdent la
vie en ces duels, on trouverait qu’il s’est donné des batailles, tant
étrangères que civiles, où ne sont point morts tant de jeunes et vaillants
seigneurs qui eussent pu, avec le temps, servir dignement leur Prince et
atteindre à de hautes dignités au lieu que non pas périr sur un pré en le
bourgeon de leur âge. Mes beaux enfants, reprit le Duc (lequel avait tout juste
mon âge et n’était notre aîné que par son rang), saurait-on imaginer plus folle
folie qu’un gentilhomme, sans nulle haine en son cœur pour un sien compagnon de
cour, mais bien plutôt ayant à lui quelque obligation d’amitié, aille l’occire
au nom de je ne sais quel devoir de fausse galanterie et de faux point
d’honneur ?
    Cette belle et
forte remontrance, si bien prononcée en français si suave, accoisa tant nos
mignards muguets que vous eussiez pu ouïr une épingle tomber sur le tapis,
chacun retenant son souffle à proportion de ses fautes, lesquelles étaient
grandes à voir les mines que l’on tirait qui cy, qui là, à l’alentour, n’y
ayant point là, je gage, de ferrailleur qui n’eût tué son homme en ces sortes de
discordes privées.
    Le Duc,
cependant, continuait à se taire, assis en son fauteuil en une guise fort
élégante, ses belles mains (dont j’appris plus tard par Fogacer qu’il les
adoucissait par des pâtes et des onguents) posées avec légèreté sur les
accoudoirs du fauteuil, et ses beaux yeux noirs fichés sur ceux de Quéribus,
comme s’il attendait qu’il parlât dans le sens que lui-même désirait, mais sans
lui vouloir dire.
    — Que
fais-je donc, Monseigneur ? dit Quéribus, qui, pâle et quasi tremblant,
paraissait au désespoir d’avoir déplu à son maître. Dois-je incontinent
m’accommoder à M. de Siorac et lui faire quelque excusation ?
    À quoi le Duc,
la tête haute et l’envisageant œil à œil, ne répondit goutte ni miette, gardant
sans broncher ni piper sa majestueuse immobilité.
    — Eh bien
donc, puisqu’il le faut, dit Quéribus, en tordant fort le nez dans la violence
qu’il se faisait pour s’abaisser devant moi, Monsieur de Siorac, je vous
prie...
    Mais je ne le
laissais point achever, les choses n’allant pas le train que je voulais. Tirant
au Baron tout soudain, je le pris dans mes bras et, l’y serrant, lui dis à
forte voix :
    — Ha !
Monsieur de Quéribus ! Ce n’est point une excusation que je veux, c’est
votre amitié, et elle seule !
    À quoi il
rougit et rit, et pâlit, et rit encore et démantelant tout soudain ses
défenses, me serra à son tour à étouffer, et me donna cent baisers sur les
joues, à quoi je répondis sans chicheté, trouvant plus de plaisir à ces
mignonneries que je n’en eusse certes encontré à la pointe de son épée. Car, à
dire le vrai, il y était d’une telle force qu’il m’eût en un battement de cil
étendu sur le pré, si l’affaire s’y était décidée.
    Cependant, se
déprenant enfin de cette étreinte et de cent tendres toquements (de l’un comme
de l’autre) sur les épaules et sur le dos, Quéribus fort rouge derechef,
s’écarta de moi un petit et la larme au bord du cil, et cependant la face
riante, me dit :
    — Siorac,
j’avoue céans et je confesse que vous n’êtes point plus rustre que moi.
    — Ni
vous, dis-je, plus rat que moi.
    — Ni
votre pourpoint, dit-il, plus vilain que le mien.
    — Quoi !
dit le Duc d’Anjou tout soudain, pensez-vous cela, Quéribus ?
    — Assurément,
Monseigneur, dit Quéribus en le saluant.
    — Ha !
J’en suis bien aise ! dit le Duc, car vous voyant, Siorac et vous, en vos
embrassements, je n’ai pas laissé d’observer que vous étiez de même taille et
corpulence, et la pensée m’est venue qu’en gage de l’amitié que vous vous
juriez, vous pourriez échanger vos pourpoints.
    À cette
pensée-là qui était un commandement, il y eut des Ho ! et des Ha ! et
des rires dans l’assistance, laquelle toutefois le Duc envisagea à l’environ
d’un air si roide qu’ils moururent aussitôt. Je vous laisse à penser la longue
et silencieuse mine que tira Quéribus en se dévêtant et se revêtant, moi-même
n’osant trop m’ébaudir de m’enrober en sa riche dépouille, son déplaisir me
touchant au cœur dans le nouveau sentiment où j’étais pour lui. Et encore que
les muguets qui étaient là crevassent presque de se rentrer leur moquerie,
leurs joues tant tendues que crapauds se gonflant, tant

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