Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
larges, noirs, fendus et par
surcroît vifs, méfiants, épiants, brillants, et porteurs en eux de je ne sais
quelle grâce d’esprit qui prévenait dès l’abord en sa faveur, de sorte qu’il
n’avait qu’à vous envisager pour déjà vous séduire.
    Pour moi, je
ne l’étais pas tout à plein, pour ce que contr’envisageant le Duc avec tout le
respect du monde, il me sembla que sa physionomie allait moins à la liesse et à
la débonnaireté – lesquelles chez un grand sont toujours
rassurantes – qu’à l’amertume et à la mélancolie, comme cela était
manifeste au pli de sa lèvre, laquelle laissait voir que cet homme tant jeune,
et tant comblé des dieux, n’habitait point à l’aise dans sa peau.
    J’observai
encore que le Duc portait mince et fine moustache tombant aux commissures (ce
qui ne laissait pas que de souligner le pli que je viens de dire), petite
mouche de poils sous la lèvre inférieure et fort léger collier de barbe, le
tout du plus beau noir, comme le cheveu qui bouffait sous son bonnet à
aigrette, mais dégageant bien de toutes parts le front, lequel était haut,
large et lumineux.
    — Monsieur
de Siorac, dit le Duc d’Anjou d’une voix basse, suave et comme flûtée, et l’œil
grave mais non point sourcillant, est-il constant que vous soyez entré en
querelle en la cour du château avec M. de Quéribus ?
    — Oui,
Monseigneur, dis-je en lui faisant un profond salut.
    — Et qui
de vous deux est à l’origine de ce différend ?
    Question qui
ne laissa pas que de m’embarrasser, d’autant que Quéribus, que je n’avais point
aperçu en entrant n’ayant d’yeux que pour le Prince, m’apparut alors à ma
dextre, toujours flanqué du marquis d’O et de Maugiron, mais, toute superbe
disparue, pâle, quinaud, plus décomposé que je n’étais moi-même, et craignant fort,
à ce que je vis, de perdre les bonnes grâces de son maître. À quoi
réfléchissant, et me disant un éclair que je n’avais, moi, rien à redouter de
tel, étant huguenot, et en cette qualité, étant hors faveur déjà, je me résolus
à désobérer quelque peu le Baron de sa coulpe.
    — Monseigneur,
dis-je, la faute n’en est ni à l’un ni à l’autre, mais à mon pourpoint lequel,
M. de Quéribus envisageant, ne put qu’il ne sourcillât. Sur quoi, je sourcillai
aussi ; M. de Quéribus sourcilla de ce sourcillement, et tous deux, des
regards passant aux paroles, nous en échangeâmes quelques-unes qui furent assez
vives pour nous piquer l’un et l’autre, encore que l’occasion en fût bien
chétive, étant née tout entière du déprisement d’un pourpoint reprisé.
    À quoi, Son
Altesse daigna sourire, goûtant fort les giochi di parole [38] ,
comme bien on le vit en la suite de cet entretien.
    — Quéribus,
dit le Duc, qu’opinez-vous de la relation que M. de Siorac a faite de vos
encontres ?
    — Qu’elle
est généreuse à l’excès et me décharge trop.
    Ce disant,
Quéribus me salua gracieusement, salut qu’incontinent je lui rendis.
    — Querelleur
Quéribus ! dit le Duc (lequel parut content de cette allitération que les
courtisans saluèrent d’un murmure ravi), avez-vous, hors son pourpoint,
d’autres griefs et plaintes touchant M. de Siorac ?
    — Aucun,
Votre Altesse.
    — Le
haïssez-vous ?
    — Bien au
rebours, dit Quéribus non sans chaleur. Il faut être fort vaillant pour oser à
l’épée m’affronter, et fort débonnaire pour ne me point garder mauvaise dent de
mes insolents regards. Je ne connais M. de Siorac que d’hier, mais jà je l’aime
et je l’estime prou.
    — Et
cependant, vous alliez lui couper la gorge ! dit le Duc tout soudain
sourcillant et haussant la voix, et non seulement vous ! Mais les seconds
entre eux ! et les tiers ! Ha ! Mes beaux amis !
poursuivit-il en s’adressant à l’assistance, n’est-ce pas démence que ces
différends qui prennent journellement entre vous, en ce château même !
Près de la personne du Roi – crime capital par les lois du royaume –
et différends pour quoi ? Sinon pour des occasions infimes et de néant,
comme ce pourpoint. Ne dirait-on pas que s’entre-tuer est pour vous une sorte
de desport auquel il ne faut pas plus de raisons que pour une partie de
paume ? Prenez garde, pourtant, que ce monstre qu’on appelle querelle, gagnant pied parmi la noblesse, ne l’aille petit à petit dévorant. Que si on
voulait bien compter chaque année ceux qui, en le royaume de

Weitere Kostenlose Bücher