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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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pardon ! Mais j’ai l’épigastre dans
le talon, et un appétit à dévorer la coquille avec l’huître, les trois pâtés de
chair d’hier n’étant plus que remembrance.
    — Ach, compagnon ! dit Fröhlich, ne me mets pas eau en bouche à parler de
pâtés !
    Et lecteur,
n’est-ce pas merveille que dans le mitan de ces inouïs périls, nous étions tous
quatre tant friands de viandes que horde de loups dans la neige, à telle
enseigne que c’est, à la fin des fins, le pensement de nous désaffamer qui nous
fit quérir pour asile le logis d’un huguenot, alors même qu’il était bien
manifeste que nous ne pouvions, ce faisant, que tomber de poêle en braise.
    — Fröhlich,
sauras-tu nous conduire chez M. de Taverny ?
    — Oui-da !
C’est passé la rue Leuffroy, au logis dit la Tête Noire.
    Laissant là le
pont aux Changes et nos espérances, on rebroussa donc chemin, tirant derechef
vers la ville, bien marris de ces tours et détours en notre tournoyante fuite.
    Passé la rue
Leuffroy, Fröhlich nous fit prendre par une brenneuse et fangeuse traverse,
laquelle, si elle nous crotta, avait du moins le mérite d’être fort peu
passante, car nous ne vîmes qu’un quidam cheminant au rebours de nous et qui
m’attira l’œil, pour ce qu’il portait dans ses bras un enfantelet tout nu,
lequel riait aux anges et jouait de ses doigts potelés, avec la barbe du guillaume,
laquelle était noire, abondante et bouclée.
    — Compagnon,
dis-je en m’arrêtant, tout atendrézi de ce gracieux spectacle, cet enfantelet
semble se plaire à toi.
    — Mais
non moi à lui, dit l’homme d’une voix rude et m’envisageant d’un œil noir, fixe
et brillant, c’est un chiot d’hérétique. Et je cours de présent à la Seine pour
le daguer et le noyer.
    — Quoi ?
dis-je. L’occire ? Tant jeune qu’il ne sait ni parler ni ouïr ?
Qu’entend-il à la religion ?
    — C’est
graine d’hérétique, dit l’homme en sourcillant. Monsieur, dit-il en tournant la
face vers la rue Leuffroy où se voyaient courir des bandes de massacreurs, me
laisserez-vous passage, ou dois-je appeler « à l’arme et à la Cause »
?
    — Compagnon,
dis-je, tu erres. Nous sommes bons catholiques. Et je n’ai friandise à cet
enfantelet que pour le confier à une mienne parente qui l’élèvera dans la vraie
religion.
    — Cela ne
se peut, dit l’homme impliablement, alors même que l’enfant, riant et
gazouillant, lui mignardait sa barbe de ses petits doigts suaves. Comme j’ai
dit déjà, reprit-il, l’œil luisant, je m’en vais le daguer et noyer. Et par la
Mort Dieu, j’y ai tant friandise que la main m’en démange jà.
    — Compagnon,
dis-je, je te l’achète à ton prix.
    — Ha !
dit le gautier, envisageant tour à tour l’enfantelet et mon escarcelle, comme
s’il balançait entre deux plaisirs d’égale qualité.
    — Dix
écus, dis-je.
    — Tope,
dit le barbu quidam, mais fort à contrecœur, à ce qui me sembla.
    Je lui comptai
les écus qu’il mit un à un dans son escarcelle. Cependant fort étrangement, au
moment que de me tendre l’enfantelet, il fit, de senestre à dextre, un tour
complet sur lui-même, me tournant tout à plein le dos pour venir enfin face à
moi et me jeter quasiment sa tendre proie dans les bras. Après quoi, il
s’ensauva à toutes jambes.
    — Moussu !
cria Miroul, il l’a dagué ! C’est la raison de son détour ! Voyez le
sang qui jaillit de son petit cœur !
    — Cotel,
Miroul ! criai-je, ivre de rage.
    Mais déjà
Miroul avait saisi son arme dans sa chausse, et courant comme un lévrier au
pourchas du quidam, la lui lança, le cotel se fichant en vibrant dans son dos
entre ses omoplates, étalant le maraud la face dans la fange laquelle, à tout
prendre, valait encore mieux que lui.
    Une bande nous
venant à l’encontre, je criai, voyant Miroul s’attardant, penché qu’il était
sur le corps :
    — Miroul !
Ne délaye pas ! Que donc fais-tu ?
    — Je
reprends vos écus, Moussu.
    — Prends
l’escarcelle. Ce sera plus prompt !
    Ce que Miroul
fit et nous revint avant que la bande nous rejoignît, laquelle nous voyant
l’enfantelet dans les bras, tout sanglant et me cuidant l’assassinateur de ce
chiot d’hérétique, nous fit au passage quelques petites gausseries, de compère
à compère, d’aucuns me louant de cet exploit, et d’autres me plaignant de n’en
pas tirer picorée.
    — Mon
frère, qu’en ferez-vous ? dit

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