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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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sourcil.
    — D’ordre
du Roi. Pour le pendre à Montfaucon.
    — Garde,
comment le pendre sans tête ?
    — Par les
pieds.
    — Mais
quant à nous, nous le brûlerons alors par en dessous ! hucha à grand-gorge
un guillaume qui à sa bure me parut être une sorte de moine mendiant, mais de
basse et sanglante mine. Ainsi, poursuivit-il, sa voix stridente couvrant la
vacarme, nous aurons occis ce démon par les quatre éléments de Dieu : la
terre sur quoi on le traîna, l’eau où il fut jeté, l’air où il ira se
balançant, et le feu pour le rôtir.
    Paroles qui,
tant sottes, badaudes et barbares qu’elles fussent, ne laissèrent pas d’être
acclamées et reprises de bouche en bouche par la multitude, hormis par le garde
qui dit à voix basse en haussant une épaule :
    — Qui est
mort est mort. Peu importe la guise et le comment.
    J’en avais ouï
assez quant à moi, et nous nous tirâmes incontinent de cette féroce foule pour
gagner le Grand Châtelet dans l’espérance de passer le pont aux Changes et
atteindre la Cité, et de là, le pont Saint-Michel afin que prendre pied à
l’Université et de franchir à la parfin, s’il se pouvait, le pont-levis d’une
des portes et nous mettre en sûreté hors des murs. Ha ! lecteur ! Deux
ponts ! Et une porte ! Et gardés tous les trois par le guet bourgeois
ou les archers du Louvre ! Et tout à l’entour ces hordes d’assassinateurs,
par l’un desquels je pouvais être à tout instant reconnu ! Que d’inouïes
traverses pour sortir de la mortelle nasse où nous étions avec les nôtres
serrés, sans logis amical où nous soustraire à la curée, sans personne ès rues
à qui nous confier, car à voir les lèvres d’un quidam montrer les dents, on ne
peut dire en tel cruel pourchas s’il mord ou s’il rit.
    Pour gagner le
pont aux Changes nous cheminions par le quai de la Mégisserie, lequel on
appelle en Paris la Vallée de Misère, pour la raison que la Seine l’inonde à
chaque crue, mais qui pour lors méritait encore mieux son nom par les centaines
de morts et de mourants qu’on voyait sous la lune et l’aube blanchissante fluer
au fil de l’eau, les torches sur les deux rives allant cy allant là, le cri des
égorgés répondant au grondement des égorgeurs et l’escopetterie de toutes parts
furieusement répondant, mêlée aux coups sourds des huis enfoncés, et à quelque
cloche qui, tout soudain, se remettait à toquer en telle dizaine ou quartier
comme pour réveiller, s’il en avait été besoin, l’appétit à tuer de ses
ouailles.
    Cependant,
nous ne tirâmes pas plus avant, ayant vu à l’entrée du pont les chaînes mises,
et derrière les chaînes, une demi-enseigne pour le moins des gardes du roi,
laquelle était hérissée de hallebardes et d’arquebuses,
    — Monsieur
mon frère, dit Giacomi à voix étouffée en me prenant le bras, j’opine que ce
serait folie d’attenter de présent le franchissement du pont. Les gardes nous
vont quérir une cédule de passe que nous ne pourrons montrer.
    — Sans
compter, dit Miroul, que notre Suisse, qui n’est point certes aiguille en foin,
peut être reconnu pour être de Navarre par un des gardes qui l’aura vu, lui
aussi, au Louvre. Et en cette aube-ci, qui dit Navarre dit mort, et nous trois
avec lui.
    — Pour
moi, dit Fröhlich, encore que je ne redoute pas de passer de vie en trépas, je
n’aurais pas friandise à franchir le guet sans ma livrée.
    À quoi je vis
bien que Giacomi, détournant la tête, sourit, et Miroul mêmement, tant la gaîté
de ces vaillants était irrépressible.
    — Mes
frères, dis-je (et j’observai, encore que l’heure me poignât fort, que Miroul
rougit de bonheur à être appelé ainsi), je vous donne raison à tous deux. Par
surcroît, c’est déjà la pique du jour, lequel jour va multiplier nos périls. Le
mieux serait de se gîter en quelque lieu en attendant que la nuit à nouveau
nous couvre.
    — Mais
où ? dit Miroul.
    — Mein
Herr, dit Fröhlich, j’ai porté deux fois missive de mon Roi (désignant par
là le Roi de Navarre, le Roi de France lui étant étranger) à M. de Taverny, qui
est lieutenant de robe courte de la Prévôté.
    — Je ne
sais si le gîte est bon, dis-je, Taverny étant huguenot.
    — S’il ne
l’était, il ne nous ouvrirait, dit Miroul, et toujours est-il, si son logis
n’est déjà défoncé, que le lieutenant nous donnera bien quelque morceau à
gloutir. Ha ! Moussu ! Votre

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