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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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l’enfantelet que le guillaume barbu
m’avait jeté dans les bras après l’avoir dagué. Et comme j’en étais à ces
mornes répétitions tournoyant en moi comme toton, le soleil étant haut déjà à
ce que je voyais entre les fentes des planches de l’étable, j’ouïs des pas et
des voix dans la cour et qu’on secouait la petite porte que nous avions
remparée. Je réveillai alors mes compagnons un à un, et Fröhlich non sans peine
pour ce qu’il ronflait comme un Roi et chacun son arme en main, à croupetons et
le jarret à se détendre prêt, nous attendîmes, mussés sans mot ni branle
derrière nos tonneaux, le cœur nous toquant fort.
    Je me mis
l’œil à un interstice entre deux de ces barriques, et je vis la porte à côté
des mangeoires se déclore et livrer passage à une quarantaine de drôles armés
de piques, d’épieux et de bâtons à feu, lesquels parurent fort ébaudis à la vue
de la mule, deux d’entre eux la déliant tout de gob et l’emmenant pour l’aller
vendre, dirent-ils, et boire tous ensemble les pécunes de ce barguin à la Taverne du Cheval d’Or. Cependant, celui qui paraissait être le chef de ces
vaunéants – un grand bravache portant à la ceinture le couteau des
mazeliers – cria qu’il voulait, avant que de tirer aux guinguettes,
furonner le fenil en quête des chiens de huguenots qui avaient occis ses
compères, et montant par la chanlatte, ses marauds le suivant, je les entendis
qui passaient, jurant Dieu et Marie, qui l’épée, qui l’épieu, qui la pique,
dans tous les foins qui étaient là, bien marris, je gage, que leurs armes, à
les retirer de l’herbe, ne fussent pas ensanglantées.
    Je m’apensai
non sans quelque méchant frisson que ces marauds, redescendant de la chanlatte,
ne pourraient qu’ils ne furetassent du côté de nos barriques et qu’alors c’en
serait fait de nous, d’aucuns d’entre eux, à ce que j’avais observé, ayant
pistoles et arquebuses. Encontrant alors l’œil de Giacomi, je vis qu’il opinait
comme moi que la minute qui venait à nous disait un grand Il-faut-mourir, sans bagues ni paquets, et la Seine au bout. Me sentant alors fort vergogné de
me voir à l’heure de mon exit, tout sueux, sale et maculé de sang, et le cœur
dans les tripes, je crispai les doigts à la fureur sur la poignée de mon épée,
me disant que s’il fallait faire à force forcée ce voyage-là, je saurais bien
m’y faire accompagner par bon nombre de ces marauds. Ceux-là, à ce moment,
descendaient la chanlatte, et le gros mazelier le premier, dont je me promis la
mort tant je lui trouvais la mine basse, le cœur me toquant comme fol, quand je
vis un de ces drôles, maigre comme une arête, approcher nos tonneaux.
    — Que
diantre fais-tu, crocheteur ? dit le mazelier.
    — Je
jette un œil, Capitaine, dit le guillaume.
    — Vramy !
dit le mazelier, se gaussant, n’as-tu point d’yeux ? Viens-t’en, Mort
Dieu ! Il y a tonneau et tonneau et ceux-là sont tant vides que cervelle
de crocheteur !
    À quoi, ces
marauds rirent à gueule bec comme un tas de mouches.
    — Il n’y
a pas offense, dit le crocheteur fort rabattu et au « capitaine »
revenant, et après lui passant la porte, fort moqué de tous qui vidaient les
lieux en se bousculant, ayant grand-hâte d’aller boire au Cheval d’Or la
mule de Taverny.
    Havre de
grâce ! Nous poussâmes un soupir à faire saillir hors de sa denture l’aile
d’un moulin ! Après quoi, nous restâmes là accoisés, sueux, tout sommeil
enfui, à nous entr’envisager l’un l’autre comme étonnés de nous voir en vie
après ce coup.
    Le reste du
jour se passa en un endormissou agité, contraire et rebours (le seul. Fröhlich
ronflant comme un soufflet de forge), l’œil plus souvent déclos que clos,
l’ouïe guettant la moindre noise comme lièvre en buisson, la soif nous
asséchant le gargamel au point de ne pouvoir la langue décoller du palais, et
pis que tout, la male faim nous tourmentant l’épigastre, au point que nous
eussions pris une croûte de pain des mains d’un pesteux ou d’un ladre. Je me
ramentois cependant que je fis vers la fin du jour, la tête dodelinant, des
songes et rêveries en lesquels l’enfantelet expirant en mes bras devint tout
soudain le petit Henriot, mon Alizon me courant sus, un grand cotel en main
pour ce que, cuidait-elle, c’était moi qui l’avais occis.
    La nuit tombée
à plein, qui était celle du dimanche au lundi et

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