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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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étrange, à peu qu’elle
ne me voulût retenir contre son tétin comme son enfantelet, craignant le
couteau pour moi, tant cette bonne garce avait l’entraille piteuse et
maternelle pour son amant aussi. Mais par la parfin, il fallut d’elle de force
forcée départir, quoique l’œil tant aveuglé de larmes que c’est à peine si je
voyais, en cheminant, le monde méchant des hommes.
    Par bonheur,
mon Miroul me guidait par un dédale de petites rues boueuses jusqu’à l’Hôtel de
Ville et la place de Grève où il fallut bien enfin déboucher, le peuple là
étant immense, portant torches et falots et fort ébaubi du spectacle que lui
donnait le pilori, sorte de cage de bois octogone peinte en rouge sang,
laquelle tournait en un grincement sinistre sur un pivot, exposant à la ronde
en son long tournoiement les malheureux qui y étaient serrés, la tête passée et
prise par un trou dans le bois et exposée aux injures des harengères, aux boues
et aux immondices de tous, aux pierres des galapians. Un quidam à qui j’osais
quérir quels étaient les suppôts de Satan qui tournaient là, honnis, moqués et
navrés par tout un chacun, me dit en riant qu’il s’agissait de trois ministres
de la religion dont on venait de s’emparer et dont on allait s’amuser un petit
avant que de les daguer et les jeter en la rivière de Seine.
    Le cœur me
serra de pitié et d’horreur à observer la lente révolution de cette cage
rouge – beau témoignage de l’ingéniosité de l’homme quand il s’agit de
tourmenter son frère – et envisageant les martyrs avec une attention
extrême, je redoutais de reconnaître M. Merlin parmi eux, mais eût-il été du
nombre que je n’eusse pu le distinguer des autres tant leurs pauvres faces
tuméfiées étaient couvertes de sang et de boue, et les yeux au surplus déjà
plus qu’à demi crevés par la lapidation.
    — Ha !
dit le gautier sottardement rieur à qui j’avais parlé, la sale et orde mine que
font ces chiens d’hérétiques ! Et comme on voit bien à envisager leurs
laides grimaces qu’ils sont gibiers d’Enfer !
    Je lui montrai
mon dos, Miroul à ma senestre et Fröhlich derrière moi, l’épée non pas
rengainée mais dans le creux du bras, pour en avoir vitement l’usance sans
toutefois la tenir à la main, ce qui eût mis peut-être puce à poitrail au peuple
qui était là, lequel était fort enflammé et vociférant, plus d’un de ces
marauds ayant du sang jusqu’aux coudes et la face comme enivrée de l’homme qui
a trouvé friandise à tuer son semblable.
    Je contournai
la place au ras des logis et sous l’encorbellement des maisons pour ce que je
cuidai que Giacomi, s’il était là, s’y encontrerait plus volontiers qu’en
pleine lune et pleine torche. Je fis tout ce chemin sans subir d’autre traverse
que du fait d’un truand qui me faillit trancher l’escarcelle et à qui Miroul
faillit trancher les doigts, cotel contre cotel, et celui de mon gentil valet
tant prompt et expéditif que le coupe-bourse se faufila en foule comme reptile
en buisson : à croire que j’avais rêvé. Mais la merci Dieu, je ne rêvais
point lorsque Giacomi, surgissant d’une encoignure de porte, me prit dans ses
longs bras et me bailla cent baisers que je ne fus pas chiche à rendre, le cœur
me toquant fort de son émerveillable fidélité à la male heure de notre mort,
tout étranger qu’il fût à nos discordes civiles – italien et de surcroît
papiste.
    — Ha !
Monsieur mon frère ! dit-il avec son charmant zézayement et en cet élégant
langage qui ne le quittait point, même dans les dents du plus mortel péril.
J’ai accouru céans dès le premier toquement de cloches, et je vous ai tant
espéré que j’en désespérais.
    — Mon
Giacomi, dis-je sotto voce, je te ferai mes contes plus tard. Mets-toi
dans le creux de cet huis que Miroul t’épingle à l’épaule le chiffon blanc de
ces massacreurs. Quoi fait, nous tâcherons de franchir deux fois la rivière de
Seine et de saillir des murs.
    Il n’y avait
point à quérir où se trouvait la rivière, tant le peuple s’y portait de toutes
parts, disant à toutes voix que le plus beau du spectacle était là, pour ce
qu’on y noyait, morts ou vifs, les huguenots qu’on avait pris, d’aucuns traînés
nus dans les fanges, comme j’ai dit, par des cordes passées sous les aisselles,
d’autres menés là sous escorte, battus, assommés, dévêtus, jetés en l’eau.
    De la

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