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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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siéger
dans mon jury, ce dont je me fusse bien passé, leur présence me coûtant six
écus trente sols, ce qui portait les honoraires de mes juges à quarante-trois
écus.
    Cela pourtant n’y suffisait pas.
La veille de mes triduanes, je fis porter au logis des sept docteurs, à
qui j’avais le jour précédent si proprement graissé le poignet, des dons et
présents dont lus de l’École avait fixé, de temps immémorables, la quantité et
qualité. À savoir :
    1. Un massepain de quatre
livres au moins, bien tartelé de pâte d’amande et fourré de fruits confits.
    2. Deux livres de dragées.
    3. Deux cierges de bonne et
odorante cire de la grosseur d’un pouce.
    4. Une paire de gants.
    Ces offrandes furent dépêchées en
les logis des sept docteurs médecins par le bedeau Figairasse à qui je donnai
deux écus vingt sols pour le prix de cette commission, et aussi pour introduire
et ordonner le public dans la salle de promotion au cours de mes triduanes, et aussi pour sonner à ma plus grande gloire la cloche de l’École quand je
serai proclamé docteur, et enfin pour me précéder dans les rues, hallebarde au
poing, lors de la chevauchée à travers la ville qui devait achever mon
triomphe.
    Toujours à l’us me conformant,
j’embauchai quatre musiciens jouant fifre, tambour, trompette et viole et je
les menai au coucher du jour, la veille de mes triduanes, donner une
sérénade aux docteurs que j’ai dits. Quasiment tous ouvrirent leurs fenêtres et
voulurent bien, apparaissant, jeter quelques sols aux musiciens (lesquels
j’avais grassement payés) et répondre à mon profond salut, tandis que leurs
épouses courtoisement toquaient des paumes. Cependant chez Saporta, Typhème,
d’ordre bien assurément de son seigneur, ne se montra point. Et quant au logis
du Dr Bazin, il resta aussi clos que le cœur du chiche-face, celui-ci
voulant sans doute montrer par là en quelle détestation il me tenait. Me
séparant enfin des musiciens, je les retins toutefois pour la chevauchée qui
devait avoir lieu sous trois jours car le bedeau me précédant, ils devaient à
leur tour précéder le bedeau en jouant d’allègres airs comme il convient à un
triomphe.
    Ha ! lecteur ! Ne crois
point qu’avec ces aubades, j’eusse touché enfin le terme de mes coûts, frais et
dépens, si fort que se serrât mon cœur de huguenot à tant me dégarnir en ces
somptueuses superfluités. Et n’est-ce pas grande pitié et scandaleux abus qu’il
faille à la chose tant de pécunes quand le savoir y devrait suffire ! Or,
oyez bien ceci : Pendant les trois jours que durèrent mes épreuves, lus
voulait que j’abreuvasse, matin et soir, en vin blanc et en gâteaux, non point
seulement le jury mais les assistants qui se pressaient dans la salle de
promotion pour m’ouïr, et qui, ainsi nourris et désoiffés, voyaient s’adoucir
d’autant les longueurs des séances. J’avais requis l’alberguière des Trois
Rois de m’apporter son concours pendant tout le temps de mes triduanes, ce à quoi elle consentit gracieusement mais non gratis, circulant sans
discontinuer parmi les assistants avec flacons, gobelets, tartelettes et
massepains, aidée de deux chambrières fort accortes, lesquelles je vis plus
d’un, même parmi les docteurs ordinaires, pastisser au passage, profitant de ce
qu’elles eussent les deux mains chargées de mets.
    Ce dépens était grand, mais
hélas ! nécessaire pour les garder tous en bonne et bégnine humeur, juges
et assistants, sans cela les premiers m’eussent tourné davantage sur le gril,
et les seconds m’eussent tabusté et hué au lieu que de m’applaudir à tout
rompre à chaque réplique, ayant l’épigastre bien rempli et la rate par le vin
dilatée.
    Le « fœtus » Bazin tâcha
bien de me jeter dans les toiles, pattes liées, mais à la première insidieuse
question qu’il me posa, je répondis d’une voix tant prompte et sonore, par une
si longue citation en grec d’Hippocrate, et celle-là débitée avec face fière et
triomphante, crête redressée et geste paonnant, que l’assistance, cuidant que
j’avais pris le Doyen par le bec, et lui avais rivé son clou, toqua des paumes
à la fureur. À quoi le Dr d’Assas, dodelinant de la tête, et barytonant du
cul, sourit aux anges, et le Chancelier Saporta, qui savait trop bien le grec
pour être dupe de ma chattemitesse ruse, néanmoins se tut, et même envisagea le
Doyen d’un air fort déprisant tandis

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