Paris Ma Bonne Ville
couleur
cramoisie. Je m’en coiffai aussitôt.
2. Une ceinture dorée, large
de trois pouces, qu’incontinent je nouai autour de ma taille.
3. Un fort anneau d’or gravé
à mon chiffre que je passai à l’annulaire de ma main senestre où il voisina
avec la petite bague d’Angelina que je portais au petit doigt.
4. Les Aphorismes d’Hippocrate, bellement reliés en veau.
Ainsi coiffé, ceint, bagué et
tenant en ma dextre le magnum opus d’Hippocrate, je prononçai la même
allocution de remerciement en sept langues différentes : en français (ce
faisant saluant fort bas M me de Joyeuse) ; en latin, saluant les
docteurs ordinaires ; en grec, saluant les professeurs royaux et en
particulier le Dr d’Assas qui en cette langue m’avait traduit mon
discours ; en hébreu, saluant Maître Sanche à qui je le devais ; en
allemand, saluant les écoliers de Bâle ; en italien pour ce que j’avais
quelques notions de cette admirable langue ; et enfin au grand étonnement
de tous, pour ce que c’était un idiome réputé rustique et non savant, en l’oc
de Montpellier. Cependant, la première béance passée, l’auditoire m’applaudit à
rompre les murailles tant il était content de ma bonhomie et atendrézi de
l’amour qu’au sommet de mes dignités, je voulais témoigner à leur bonne ville
et à la langue de ses manants et habitants.
Quoi fait, le Chancelier Saporta,
se levant, me donna une forte brassée, frotta sa rude barbe contre ma joue et
me fit asseoir à sa dextre tandis que le bedeau Figairasse, sortant à grandes
jambes de la salle de promotion, alla sonner à la volée en mon honneur la
cloche de l’École. Il ne lésina point : j’en eus pour mes deux écus vingt
sols. Ce fut un tintamarre à rendre à jamais sourds ceux qui l’ouïrent.
Cette vacarme à la fin finie, les
professeurs royaux, les docteurs ordinaires et les assistants processionnèrent
dans les rues de Montpellier jusqu’àl’ Auberge des Trois Rois où
je leur offris, selon l’us, une collation qui acheva d’assécher mes pécunes. Ce
fut là mon ultime débours, et le plus monstrueux. Mais certes ne l’envisagèrent
point ainsi ceux qui, buvant et mangeant à tas, se goinfrèrent ce jour à mes
dépens.
M me de Joyeuse eut la
bonté de se rendre à l’auberge en carrosse et là, se faisant donner un petit
cabinet par l’alberguière, par elle aussi m’y manda. Me dérobant à la presse,
j’y fus et la trouvai avec Aglaé de Mérol, toutes deux soyeuses, satinées,
pimplochées à ravir, des perles en leurs cheveux, et embaumant tous les parfums
de l’Arabie.
— Ha, mon petit cousin !
s’écria M me de Joyeuse, baisez là ! Parfait fut votre
déportement ! Non que j’entende rien à votre latin mais vous aviez la face
tant jolie et le geste tant gracieux, on eût dit d’un chat ! mais d’un
chat ayant griffe sous son velours, et ni dans le ton ni dans la guise, rien
d’un pédant crotté ! Baisez là, je vous prie, vous fûtes sublime !
Aglaé, dites-le-lui aussi ! Je l’ordonne !
— Monsieur ! dit Aglaé
de Mérol avec un petit brillement de l’œil et une petite moue, vous fûtes en
tous points admirable !
Sur quoi, je saluai M me de Joyeuse et baisai avidement sa belle face.
— Saluez aussi Aglaé, je le
veux ! dit M me de Joyeuse quand j’eus fini ce festin qui,
certes, plus me plaisait que la rude barbe de Saporta.
— Mais, Madame,
oserais-je ?
— Monsieur ! dit M me de Joyeuse, ne sais-je pas toutes les agaceries que vous lui faites, toute
pucelette qu’elle soit ? N’y a-t-il pas de frein à vos impertinences,
monstre que vous êtes ! Eh bien, puisque vous avez tiré ce petit vin-là,
buvez-le !
— Ha, Madame ! dis-je à
Aglaé de Mérol, quelle trahison ! Vous avez répété mes propos !
— Tous, Monsieur !
s’écria Aglaé en riant, tandis que je poutounais à son tour la jeunette sans y
mettre pourtant trop d’ardeur, ne voulant point que M me de Joyeuse
se piquât, ayant toujours son âge en son pensement.
— Mon mignon, reprit cette
haute dame, venez me voir demain le moment que vous aurez fini votre chevauchée
triomphale en la ville.
— Mais Madame, je serai
écumant et sueux !
— Nous vous approprierons,
dit M me de Joyeuse en battant du cil, dans ma cuve à baigner.
À quoi elles rirent toutes deux,
en m’envisageant d’un air si entendu que je ne sus que penser. Mais j’ai
observé que lorsqu’on n’entend goutte
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