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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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et une jolie face,
quoique chagrine, et dont les yeux, pour ce qu’elle n’osait se fier à sa voix,
firent signe à la laitière, laquelle s’avança, lui remplit ses deux gobeaux
sans qu’aucune des garces qui étaient là, jeunes ou vieilles, n’y fît
remontrance, se trouvant toutes comme empacifiées par la magie de l’habitude.
    Je ne sais
pourquoi j’eus soudain tant appétit à ce lait blanc et chaud coulant dans les
gobeaux, et tant de compassion pour la pauvre blonde garce assiégée avec ses
maîtres en ce logis lapidé qu’oubliant toute prudence, je traversai la rue et
je dis à la laitière que je quérais d’elle un gobelet.
    — Cela ne
se peut ! dit la laitière d’un ton revêche. Je n’ai point de gobelet. Et
point de gobelet, point de lait : voilà qui est clair.
    — Mais
j’ai, moi, un gobelet, Monsieur, dit la blonde et chagrine chambrière en
attachant sur moi le doux regard honnête de ses yeux bleus.
    Et se
retirant, elle s’en fut incontinent en sa cuisine où je fus audacieux assez
pour la suivre, lui disant à l’oreille de ne pas se méprendre à mon brasseau,
que j’étais à la fuite, et qu’elle se doutait bien pourquoi.
    — Ha !
Monsieur ! me dit-elle d’une voix étouffée, je m’étais bien apensé aussi
que vous vous feigniez. Je vous ai observé par le rideau de ma verrière brisée,
qui refusiez de courre sus à cette nonne, et j’ai bien vu que vos compagnons
non plus n’avaient pas goût au sang de cette pauvre garce. Mais vu que vous
êtes quatre, poursuivit-elle, ne vaut-il pas mieux prendre un gobeau ?
Vous y-boirez l’un après l’autre à votre suffisance.
    Ce qu’elle fit
et vers l’huis revenus elle et moi, la laitière toujours maussade et maugréant
me versa le lait, reçut mes clicailles sans un souris, et nous tourna la froide
épaule. J’appelai mes compagnons, lesquels de l’autre côté de la rue
accoururent, et tout béants qu’ils fussent de mon incrédible imprudence –
folie qui se mua, pourtant, en sagesse comme on verra – burent comme terre
asséchée en août, tant ils étaient péris d’altération, ayant refusé la
malvoisie du crieur, comme j’ai dit, et d’un autre côtel, ces oublies dont nous
avions mangé trois chacun nous restant quasi dans le gosier tant le cruel
clabaudage des vieilles nous l’avaient resserré.
    Nous allions
rendre le gobeau à la chagrine blonde en lui faisant nos mercis quand une bande
de cinq à six manants, voyant ouvert l’huis du logis lapidé et en voulant
profit tirer, se rua sur nous tant à la chaude qu’il fallut jouer des poings,
n’ayant pas le temps de dégainer, à quoi Miroul fit merveille, étant plus leste
que saltarin, étendant deux de ces gueux sur le pavé, moi-même brisant le
gobeau que je tenais en main sur le crâne d’un troisième, Fröhlich donnant de son
marelin dans le ventre d’un autre, le maestro Giacomi pendant ce temps, fort
déconforté de se colleter comme crocheteur et n’osant hasarder sa tant
précieuse et fine dextre d’escrimeur sur la trogne d’un de ces vaunéants, y
lança le pied et l’abattit, tout en disant en son zézayement, d’un air peu
ragoûté :
    — Qu’est
cela ? Qu’est cela ?
    Mais de
nouveaux assaillants nous courant sus en grand nombre et armés de piques, je
criai :
    — Çà,
compagnons ! Nous n’y saurions tenir ! Il faut nous remparer !
    Et nous enfournant
tous quatre dans le logis de M. de la Place, nous rabattîmes l’huis sur nous en
un tournemain, y mettant les verrous et les barres. Certes, nous étions
saufs ! Mais dans les toiles ! Dans la nasse ! Serrés dans ce
logis honni ! Liés à sa fortune !
    — Ha !
Monsieur ! dit la blondette chambrière (laquelle, comme je sus bientôt,
s’appelait Florine, étant auvergnate et y ayant une sainte de ce nom en ce
pays), c’est vaillamment fait ! Mais les archers ! Mais
l’exempt ! Ne voilà-t-il pas pour vous d’un autre mortel péril ?
    — Combien
sont-ils céans ? dis-je.
    — Cinq en
tout.
    — Ha !
c’est bien peu ! dit Giacomi en dégainant.
    Je dégainai
aussi, mais m’étant réfléchi, je dis après avoir prêté l’oreille :
    — Il vaut
mieux, je gage, composer. J’ois cet exempt qui harangue la commune de la
fenêtre de l’étage, la menaçant d’être étrillée par un renfort d’archers du
Grand Châtelet, si elle attente d’enfoncer l’huis. C’est donc pour lors pour
nous une sorte d’allié,

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