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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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miraculée
aubépine !
    — J’étais
hier dans mes vapeurs, dit la Crestine qui se sentait bien vergognée d’être
tant ignorante.
    — Vramy !
dit l’édentée. Une aubépine refleurir en août ! Notre bon curé de
Saint-Séverin dit que la chose est claire et que Dieu nous veut par là
signifier que l’Église va tout soudain refleurir par la mort des hérétiques.
    — C’est
mon Dieu vrai de vérité vraie ! cria la vieille aux bajoues. Et bien la
preuve de Jésus qu’on n’en a pas occis assez ! Vous m’entendez,
garçons ? poursuivit-elle à nous s’adressant du haut de sa fenêtre, nous
prenant pour des massacreurs à nos brasseaux blancs.
    — Iras-tu
aux Saints-Innocents, Crestine ? dit l’édentée.
    — Ha !
je ne sais ! dit Crestine, ma gambe senestre m’enfle à trop marcher.
    — Mais
c’est que belle sera la fête ! reprit allègrement l’édentée qui chuintait
et crachotait que c’était merveille. Y vont cette matine toutes les confréries
de la ville, tambour battant, et chantant le Gloria avec les croix et
les bannières !
    L’oublieux,
sur ma prière, s’était remis à sa tâche, une seule oublie ne nous comblant pas
l’épigastre, et nous, cependant, lui tournant le dos pour ce que sa face nous
était insufférable, nous donnions une oreille à ces ménines jacassantes, nous
entr’envisageant en silence, car bien connaissions-nous l’aubépine du cimetière
des Saints-Innocents pour l’avoir quotidiennement vue du fenestrou de nos
chambrifimes, rue de la Ferronnerie. Et bien donc savions-nous que
l’avant-veille, pas une fleur ni bourgeon n’apparaissaient sur ses branches et
branchettes, à telle enseigne que si maintenant on les voyait, sans pourtant
qu’on pût les examiner de trop près – les gardes tenant la commune à
distance – c’est qu’on les avait mis, et par quels fallace et subterfuge
liés, Dieu seul (au nom de qui l’homme parle si souvent) le sait, et peut-être
aussi les rusés desservants de la paroisse des Innocents (la mal nommée) à
laquelle ce miracle allait être d’un si grand profit, non seulement en l’an
1572, mais dans les années à venir, et jusqu’à la fin du siècle.
    On en était à
ouïr le caquètement sottard des ménines quand vint à passer dans la rue de la
Parcheminerie une religieuse noire, laquelle ne pouvait qu’attirer l’œil pour
ce qu’elle était fort belle de face, et le corps plus épanoui que n’en montrent
à l’accoutumée les femmes de cet état. De surcroît, elle marchait à grands pas,
l’œil chagrin et effrayé, et chose encore plus surprenante, elle portait au
pied des mules cramoisies.
    Il se fit ès
rue à son passage un grand silence que rompit de fort stridente voix la vieille
aux bajoues.
    — Aga !
hucha-t-elle à gorge déployée, Aga ! (Ce qui est jargon parisien pour
« regarde ! ») Aga, garçons ! Aga ces rouges
souliers ! C’est fausse nonne ! C’est serpente de Genève à la
fuite ! Sacrilègement déguisée !
    À quoi, en
effet, la malheureuse se mit à courir dans la rue, la vieille redoublant ses
cris :
    — À
l’arme ! À la Cause ! À Madame la Cause !
    Et se penchant
par-dessus le balustre à choir quasi de sa fenêtre, la ménine hurla à se faire
péter les poumons :
    — Aga !
Garçons ! (C’est à nous qu’elle s’adressait.) Aga, les rouges mules !
Tuez ! Tuez !
    — Moussu,
me souffla Miroul en oc à l’oreille, si j’avais de présent friandise à tuer, je
saurais bien qui.
    — Paix !
dis-je, et comme Fröhlich déclosait lui aussi sa large bouche, je lui mis les
doigts sur la main qui sur le marelin se crispait et à voix étouffée dis :
Compagnon, ramentois que je te veux muet comme carpe en bassin.
    — Eh
bien, que délayez-vous, garçons ! cria la vieille édentée. Allez-vous
laisser échapper la serpente ! Tuez ! Que diable ! Tuez !
    — Ma commère,
dis-je d’une voix calme assez, il y a temps pour tout : pour occire et
pour manger oublies. Par surcroît, attifurée comme elle est, la serpente n’ira
pas bien loin [59] !
    — La
belle défaite et le peu de zèle ! dit la ménine, très à la vinaigre et
d’un air fort suspicionneux. Sais-je seulement, garçons, si vos brasseaux ne
sont pas contrefaits aussi ?
    — Coquefredouille !
dis-je en riant. Viens t’en ès rue, ma commère, mettre sur nos épées ton nez
enchifrené. Tu nous diras ce qu’elles sentent.
    — Vramy !
dit

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