Paris Ma Bonne Ville
a
ouï du massacre en Paris, elle a couru en Montfort empêcher votre joli Samson
de s’aller jeter en la capitale pour vous secourir.
— Et il
l’eût fait, certes ! m’écriai-je. Et comment l’a-t-elle désemparé de ce
beau projet ?
— En lui
assurant que vous étiez sauf, et chez moi.
— Ha !
dis-je. Bonne Gertrude ! Voilà un blanc mensonge qui lui vaudra au ciel
plus d’indulgences que dix pèlerinages à Rome !
— À supposer
que le Seigneur soit de la religion réformée ! dit Quéribus avec un rire
qui me ramentut que les Églises étaient pour lui d’aussi petite conséquence que
la perle qui pendait à sa mignonne oreille. Et sanguienne ! Encore que ce
skepticisme scandalisât quelque peu à l’abordée ma tripe huguenote, à tout
prendre, après ce que j’avais vu et vécu en Paris, il me parut plus
véniellement fautif que le zèle.
J’eusse voulu
départir dès le lendemain, mais Quéribus n’y consentit pas, voulant s’enquérir
des périls que nous pourrions sur les chemins encontrer pour atteindre notre
Périgord. Chevauchant jusqu’en Paris, et fort bien accompagné pour ce que la
commune commettait partout des excès infinis, il courut prendre l’air du Louvre
et y promener ses fines oreilles. Il en revint fort alarmé pour moi. Le carnage
se poursuivait en la capitale, bien que moins apparent, y ayant moins de gens à
tuer. Quant à Navarre et Condé, sommés par le Roi de choisir entre messe et
mort, ils étaient quasiment prisonniers en leurs appartements, leur avenir
précaire et leur garde dissoute. Et surtout des messages du roi, encore que
successifs et se contredisant, étaient partis pour les provinces, commandant
qu’on y massacrât les hérétiques sans épargner personne, commandement obéi ou
désobéi selon la complexion piteuse ou impiteuse des gouverneurs et des
sénéchaux.
Mon Quéribus
revint du Louvre garni d’un sauf-conduit (qu’il me montra) en son nom et au nom
de son frère cadet pour qu’on leur laissât passage libre sur les grands chemins
et par les villes et bourgs du royaume jusqu’à sa lointaine châtellenie dans le
Carcassonnais.
— Vous
avez donc un frère cadet ? dis-je, étonné qu’il ne m’en eût jamais parlé.
— Mais le
voici, dit-il en me posant les deux mains sur les épaules. La ressemblance de
lui à moi n’est-elle pas manifeste ? Lui l’ébauche, comme vous avez dit si
bien, et moi, le dessin achevé !
— Sauf,
dis-je, qu’étant cadet, l’ébauche a suivi le dessin au lieu que de le précéder.
— Ha !
Siorac ! dit-il en riant, l’ébauche a plus d’esprit que le dessin !
— Je ne
sais si elle a du cœur autant, dis-je la larme au bord du cil. Mon ami !
Vous mettre à tel tracas, dépens et périls pour m’escorter jusqu’à mon
Périgord !
— Mon
Pierre ! Il faut bien que j’aille jeter un œil, l’été venu, sur ma
châtellenie pour en tirer pécunes. Sans cela, on me larronnerait. Et passant
par le Sarladais, je trouverai quelque commodité à visiter mon cousin
Puymartin, lequel, à ce que vous m’avez dit, est, quoique catholique, fort ami
de Monsieur votre père.
À ouïr de ma
bouche, cette même vesprée, que la garde de son Roi de Navarre était dissoute,
je crus que mon Fröhlich allait pâmer, s’étant flatté de l’espoir que, le
massacre fini, il allait retrouver sa livrée jaune et rouge.
— Ach ! dit-il, pourquoi le Seigneur n’a-t-il pas voulu permettre que je sois occis
puisque me voilà de présent inutile et désoccupé ? Qui emploierait
désormais en ce royaume un soldat huguenot ?
— Mon
père, dis-je, lequel est Baron de Mespech et fut Capitaine en les armées du Roi
et combattit à Cérisoles et sous Calais.
— Ach ! Un Capitaine ! dit Fröhlich qui tenait pour rien un titre de Baron s’il
n’avait été gagné par les armes.
— Moussu,
dit Miroul quand mon bon Suisse de Berne eut sailli, fort conforté, de ma
chambre, ne vous êtes-vous pas avancé prou en l’assurant d’un emploi à Mespech,
les Messieurs étant si ménagers de leurs deniers ?
— Je
crois, bien au rebours, dis-je, que la frérèche aura l’usance de ce jeune grand
ribaud des montagnes. Je les ai ouï dire souvent que nos gens se faisaient
vieils et mols.
— Il est
de fait, dit Miroul avec un air entre deux airs qui me mit puce au poitrail,
que nos gens se font vieils. Surtout les garces. La Maligou ne fait rien, hors
son rôt. Barberine n’est
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