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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Mespech !
    — Mais
elle me sert bien, moi ! Et pour tout dire, j’en suis ensorcelé !
    — Ha !
Moussu ! Qui ne vous ensorcelle ? Vous êtes de si tendre étoffe quand
il s’agit d’un cotillon !
    — En quoi
je tiens de qui tu sais.
    — Qui je
sais, dit Miroul, n’eût pas promis une bague en or à une chambrière qui ne fait
pas céans pour deux sols de labour en tout un an !
    — Ha !
Miroul ! m’écriai-je, c’est assez de cette chanson-là ! Tu me
fâcheras si tu la continues !
    Fâché, à vrai
dire, je l’étais déjà, mais contre moi et d’autant que je ne laissais pas
d’apercevoir, ma conscience huguenote déjà me poignant, que j’avais fait bien
sottement le grand et le généreux avec la Gavachette.
    Dans la
grand-salle, mon père était seul m’attendant, assis devant un beau pain blanc,
un jambon et une jatte de lait. Sa face était sereine, quoique, à y regarder
deux fois, elle tirât sur la malenconie. Après m’avoir fait signe de m’asseoir
et de manger, il se leva, marchant de-ci de-là, son pas sonnant sur le
dallage ; cependant comme j’étais au milieu du repas, il s’écria, fort
sourcilleux et la voix éclatante :
    — Huit
jours ! Je vous ai attendu Samson et toi un an ! Et bien chiche la
Providence qui ne vous redonne à moi que huit jours ! Huit petits jours et
vous voilà sur les chemins ! Proscrits ! En danger de vos
têtes ! Ha ! le funeste retardement de Samson à tirer sur ce chien de
Malvézie ! S’il l’eût occis, nous ne serions pas dans ces traverses !
À elle-même laissée, M me de Fontenac ne remuerait rien contre nous,
tant pour la gratitude qu’elle me garde d’avoir curé Diane que parce qu’elle
connaît mieux qu’aucune âme au monde la scélératesse de son feu mari, lequel,
en sa jeunesse l’a enlevée, violentée et de force forcée épousée. Mais ce
Malvézie, lui, intrigue, cabale et pousse ! Il veut le domaine pour
lui ! Et il tranche du vengeur et du justicier pour se donner des droits
que ne lui donne pas sa bâtarde naissance. C’en est bien fait de Diane et de sa
mère, s’il n’y faillit pas. Deux femmes ! Que pourraient-elles faire
contre ce monstre ?
    S’arrêtant,
mettant les mains aux hanches, et son propos tout à trac changeant, et son ton
et sa mine, Jean de Siorac dit :
    — Je vous
ai ouï donner du frère au maestro Giacomi. Vous êtes-vous à lui affréré ?
    — Par
voix de parole, dis-je, et non par acte de notaire, ne pouvant nous donner l’un
à l’autre des biens que nous ne possédons pas.
    À quoi mon
père musa un petit, sourit à sa façon enjouée et narquoise et dit :
    — Vous
autres qui êtes nés en la seconde moitié de ce siècle, vous faites les choses
en plus vite et précipiteuse guise que nous qui avons vu le jour dans la première
moitié. Vous avez pris deux jours à vous affrérer là où Sauveterre et moi mîmes
deux ans.
    — Mais
vous aimâtes Sauveterre tout de gob ?
    — Ha !
Au premier coup d’œil ! Au premier feu ! Et au prime combat !
Dès que j’ai vu de quel homme il faisait figure, et de quel noble acier il
était trempé !
    Sur quoi,
souriant derechef, il s’assit en face de moi et dit :
    — Pour le
maestro Giacomi, outre que je me trouve fort rassuré qu’une aussi fine lame
vous accompagne, il me plaît fort. Qu’il soit noble ou non, peu me chaut. Il y
a du seigneur en lui. Dans le grand comme le petit, c’est un homme infiniment
élégant.
    Je fus fort
aise de ce propos, et rougissant de l’agrément qu’il me donnait (ayant encore
sur le cœur cette fâcheuse bague dont Miroul m’avait fait des pointures) je
dis :
    — Cuidez-vous
que nous aurons peine à avoir la grâce du Roi ?
    — Je ne
sais. Coligny est en grande faveur, dit-on, auprès de Charles IX, mais
pour moi, je n’ai que petite fiance en ce petit roi-là qui se laisse gouverner
par le cotillon de sa mère et moins de fiance encore en ledit cotillon. Mon
Pierre, n’avancez à la Cour que d’un orteil prudent, et le talon prêt à
tourner ! La Médicis est l’âme de l’État, elle qui n’a pas d’âme ! Et
à vrai dire, cette prétendue faveur des nôtres auprès du Roi me pue !
Paris nous hait ! Le Guise intrigue ! Les prêtres papistes hurlent à
nos chausses, nous vouant à l’extermination ! Je ne vous eusse mie
envoyés, Samson et vous, en cette périlleuse Babylone, s’il n’y avait eu nécessité.
    — Monsieur
mon père, dis-je

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