Paris Ma Bonne Ville
n’être qu’à demi ouï, dépêchez à Paris vos deux cadets pour
vous représenter, et qu’ils usent de ce séjour pour quémander, en cette
affaire, la grâce du Roi.
Il ajouta, en
parlant du même ton mais d’un seul côté du bec et la face détournée :
— Qu’ils
partent demain à l’aube. Je serais au désespoir à midi de les trouver céans.
— À
midi ! cria mon père en se levant à son tour. Quoi ! Si vite !
— Ai-je
dit midi ? dit M. de la Porte, cela m’aura échappé. Ha ! dit-il,
comme si un détail de peu de conséquence lui revenait en mémoire, qu’ils ne
passent point par Périgueux où je les pourrais poursuivre mais par Bordeaux,
faisant un fort utile détour par le château de Michel de Montaigne, lequel ils
prieront de rédiger leur supplique au Roi, ce que M. de Montaigne assurément
fera, étant homme de bien assez pour détester la partisane iniquité et vous
ayant en outre en bonne odeur pour avoir été des plus fidèles amis de feu M. de
La Boétie dont l’affligé pensement ne le quitte guère.
— Ha !
Monsieur ! cria mon père, comment vous dire ?...
— Ne
dites rien, dit M. de la Porte avec un sourire, puisque rien ne vous ai dit,
étant céans venu en mon particulier vous entretenir de mes foins, dans le
tracassement où je suis de n’en avoir pas assez pour cet hiver.
Quoi dit, il
salua Sauveterre, lequel, toujours perclus de sa jambe navrée, ne se pouvait
bouger et, donnant à mon père une forte et brève brassée, il s’en alla.
Quand Miroul
me vint secouer le lendemain, bien avant la pique du jour, je dormais, non
point les poings fermés, mais les deux mains repliées sur les jolis tétins de
ma Gavachette, mon corps épousant le sien, tant mince que mignon en sa longueur
suave, le nez sur ses longs cheveux noirs, lesquels étaient toujours fort
propres pour ce qu’elle les lavait quotidiennement afin que, les séchant
ensuite au soleil, ses rayons pussent donner quelque cuivre à leur aile de
corbeau. Je ne sais qui des garces de Mespech lui avait enseigné cette
recette-là, mais à vrai dire il n’y paraissait pas encore, la noireté de son
poil demeurant tant profonde et ténébreuse qu’avant. Quant à moi, aimant fort
cette nuit-là et son bleuâtre reflet, je ne laissais pas d’admirer le biais
qu’ont nos gentilles garces, le Seigneur leur ayant donné une face, de vouloir
s’en façonner une autre, soit en se pimplochant soit en se colorant le cheveu.
Tant est qu’enfin elles se veulent différentes de ce qu’elles sont en leur
natureté.
Je ne voudrais
pas qu’on s’y trompe. Je ne les en blâme point. Que fais-je d’autre en ces
mémoires, raturant un mot pour ce qu’il me paraît un peu sec et en mettant deux
à sa place que je trouve plus charnus et charmants ? Que fais-je d’autre,
dis-je, que ce que font, dit-on, nos Parisiennes qui, se cuidant trop
resserrées sur l’os à l’endroit que je vais nommer, se mettent des faux culs
aux croupières afin que de les étoffer. La coquetterie de nos mignotes –
cette chère et délicieuse moitié de l’humanité – n’est que l’art ajouté à
la nature. Il convient de les estimer, bien au rebours des prêtres (et de nos
ministres), de ces soins infinis qu’elles prennent à se plaire au miroir. Sans
cela, on n’aime pas les femmes selon leur femelleté, mais selon un sot modèle
qu’on s’est fait : ce qui est folie de moine ou de prêcheur.
À la lueur du
calel que Miroul avait apporté, je me levai et m’aspergeai la face et le corps
d’eau claire, et mouillant un bout de ma serviette m’en lavai les dents, les
ayant par nature excelses et voulant les garder telles jusqu’au bout de mon
âge. Pendant ce temps, Miroul attendait, les chausses à la main pour me les
présenter, et de son œil marron envisageait en tapinois ma Gavachette,
laquelle, assise nue sur son séant sans vergogne aucune, se mignonna d’abord
les tétins, trésors qu’elle prisait infiniment, les ayant fermes et pommelants,
puis ses genoux remontés et les coudes sur ses genoux, se posa les deux mains
menues sur les tempes et étira l’amande de ses yeux tant noirs et tant
liquides, les voulant fendus davantage pour ce que je les aimais ainsi. Quoi
fait, elle se lamenta sur mon département.
— Ha !
mon Pierre ! À peine céans de huit jours et te voilà déjà ensauvé !
Et pour t’en revenir quand ? À peu me chaut d’être la garce de Pierre de
Siorac si je ne
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