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Paris Ma Bonne Ville

Paris Ma Bonne Ville

Titel: Paris Ma Bonne Ville Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Maître
Béqueret haussa le sourcil.
    — Oui-da !
Mais d’aucuns pensent aussi que le Roi n’embrasse Coligny que pour mieux
l’étouffer, et avec lui tous les nobles huguenots accourus à Paris pour les
noces.
    Me laissant
dans ce pensement qui, à y réfléchir plus outre, me pesait assez sur le cœur,
Maître Béqueret me quitta, fort aise de ma complaisance. Et pour moi, beaucoup
moins assuré de celle de mon Samson, j’allai le trouver incontinent dans sa
chambre et lui dis ce qu’il en était de la prière de Maître Béqueret.
    Il s’éveillait
à peine, nu en sa natureté, et si beau et si blanc en ses membres vigoureux, la
face tant claire et belle, la lèvre tant vermeille et l’œil, s’entrouvrant, si
bleu que ce me fut une grande joie – dont je ne me lassais point – de
le voir ainsi paresseusement s’étirer (car il aimait s’acagnarder au lit) et se
testonner de ses doigts ses belles boucles de cuivre.
    Cependant, son
œil s’abrunit dès que je parlai messe.
    — Je
n’irai point, dit-il, refusant tout à plat.
    — Samson,
dis-je, nous ne pouvons mettre un hôte tant aimable à si grand malaise et
déconfort.
    — Je
n’irai point, dit-il, plus roide que Calvin.
    À quoi me
courrouçant tout soudain, je criai d’une voix forte :
    — Vous
irez ! Je le commande ainsi !
    — Ha !
dit Samson, fort troublé et chagrin, que vertement vous me tancez !
Oseriez-vous, Pierre, me parler ainsi si je n’étais pas un bâtard !
    — Samson !
dis-je en le prenant tout de gob dans mes bras, et en lui donnant cent baisers,
c’est folie ! Qui parle céans de bâtardise ? N’avons-nous pas même
père ? Et quant à la pastourelle qui vous donna le jour, elle dut être une
digne, bonne et belle garce, puisque vous lui ressemblez.
    M’oyant ainsi
parler avec un tel respect de sa mère qu’il n’avait point connue, la pauvrette
étant morte de la peste quand il était en ses maillots et enfances, mon joli
Samson se mit dans les pleurs et moi, à le voir en larmes, je fus en tel
émeuvement que je lui donnai derechef une forte brassée et le baisant sur les
taches de rousseur de ses claires joues, je lui dis :
    — Je vous
commande ainsi parce que je suis votre aîné.
    — Mon
aîné ? dit-il avec son charmant zézayement, qu’est cela ? Ne
sommes-nous pas nés en même mois et année ?
    — Mais,
quant à moi, dis-je, une semaine plus tôt.
    À quoi il rit
au milieu de ses pleurs, et le voyant du revers de sa main les ôtant, et revenu
à la bonace et au soleil après ce gros orage, je lui dis :
    — Samson,
notre père vous a donné le ménage de notre bourse, et à moi le commandement de
notre petite troupe, pour ce que je suis plus apte à démêler nos terrestres
chemins. Vous irez donc, je vous en prie.
    — J’irai,
dit Samson, baissant le front comme un bélier, mais à Dieu ne plaise que je le
prie au milieu de ces idolâtres !
    Ha !
pensai-je, le beau zèle qui amène à ne point prier !
    — C’est
affaire, Monsieur mon frère, à votre conscience, dis-je non sans gravité. Mais
ramentevez-vous cependant que les papistes adorent même Dieu que nous.
    — Mais
non en même guise ! cria-t-il.
    — Samson,
dis-je, est-ce la guise qui compte ou l’amour que nous devons à notre
Créateur !
    À quoi, fort
peu persuadé, mais ne sachant que répondre, il s’accoisa. Et son silence durant
un petit, je lui demandai alors s’il eût aimé rester en l’officine de Maître
Béqueret tout le mois d’août comme on m’en avait prié, et il me répondit que
oui avec un fort gros soupir, pour ce qu’il aimait, dit-il, tant son état qu’il
en était tout rassotté mais que, cependant, il voyait bien que ce n’était là ni
raison ni devoir. Sur quoi, tirant vers la porte, je l’allais quitter quand il
me dit, fort vergogné et le rouge aux joues :
    — Savez-vous
que Dame Béqueret est normande et du même pays que Dame Gertrude du Luc ?
Peut-être la connaît-elle ?
    Ha !
Samson ! pensai-je, vous n’êtes donc point en toutes choses
imployable !
    — Que ne
lui demandez-vous ? dis-je, me gaussant en mon for.
    — Je
n’oserais.
    — Et
peut-être cuidez-vous que je pourrais oser ?
    — Oui,
dit-il, en baissant la paupière.
    — J’y
vais songer, dis-je fort diverti. En attendant, Samson, vêtez-vous. La messe
est à dix heures !
     
     
    Dès qu’il vit
qu’il ne pourrait nous retenir ni moi ni mon Samson en

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