Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Paris vaut bien une messe

Paris vaut bien une messe

Titel: Paris vaut bien une messe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
Vom Netzwerk:
toucher ces plaies purulentes.
    Je l’ai vu laver les pieds de treize jeunes et pauvres
enfants. Je l’ai vu à nouveau se confesser et communier.
     
    J’aurais dû être joyeux en entendant les cris des Parisiens
saluant son entrée dans Paris.
    Le gouverneur nous a ouvert les portes de la capitale, les
troupes y ont pénétré dans le brouillard de l’aube, ce 22 mars 1594, et à
l’exception d’une poignée de lansquenets, de quelques étudiants et d’obstinés
ligueurs, sur la rive gauche, entre la place Maubert et le collège de Clermont,
personne n’a résisté.
    Suivies de quelques reîtres et de ligueurs, les garnisons
espagnoles et napolitaines quittèrent Paris, Henri leur offrant la vie et
l’honneur saufs.
    Je fus près de lui à la fenêtre d’une maison proche de la
porte Saint-Denis pour regarder défiler – partir ! – sous une
pluie torrentielle ces soldats étrangers ; au milieu d’eux, marchant
fièrement, j’ai reconnu Diego de Sarmiento et l’ambassadeur d’Espagne, Rodrigo
de Cabezón.
    J’ai entendu Henri leur lancer tout en les saluant :
    — Recommandez-moi à votre maître, mais n’y revenez
plus !
     
    J’aurais dû être heureux, Seigneur.
    Ce roi victorieux, catholique, était clément, ne
pourchassant aucun ligueur de sa vindicte, interdisant qu’on malmenât cet homme
qui ostensiblement avait refusé de se découvrir à son passage.
    Je l’ai accompagné lorsqu’il a rendu visite aux reines de la
Ligue, les mère et sœur des Guises, M mes de Montpensier et de
Nemours, et j’ai pu mesurer, à leurs minauderies, combien elles désiraient
complaire au roi, le flattant, le louant de n’avoir infligé pour tout châtiment
que le bannissement pour un peu plus d’une centaine de ligueurs.
    Tous les autres venaient de faire acte d’allégeance et
recevaient récompense en coffres pleins d’écus, en possessions de villes et de
terres.
    À ceux de ses proches – Séguret, Jean-Baptiste
Colliard, Enguerrand de Mons – qui s’irritaient de cette clémence et de
ces ralliements achetés, j’entendais le roi répondre qu’il valait mieux payer
que tuer et laisser le peuple dans la guerre.
    Mais, pour obtenir cette paix, il en coûta au roi, et donc
au royaume, six millions quatre cent soixante-sept mille cinq cent
quatre-vingt-seize écus.
     
    J’aurais dû être fier, Seigneur.
    J’avais été choisi par le roi pour le représenter devant le
pape Clément VIII, et le 17 septembre 1595 je me suis avancé jusqu’au
trône pontifical qu’entouraient les ambassadeurs de Savoie, de Ferrare et de
Venise, et je me suis agenouillé.
    J’ai baissé la tête devant celui qui Vous représente,
Seigneur. J’ai imploré l’absolution pour le roi Très Chrétien, disant que seule
la parole du souverain pontife pouvait absoudre et que, par ma personne,
c’était le roi Henri IV qui la sollicitait.
    Alors, avec une verge, Clément VIII a frappé mes
épaules, et, lorsque je me suis relevé, Henri, roi de France et de Navarre,
quatrième du nom, était réconcilié avec l’Église, absous par le pape.
     
    Je Vous ai remercié, Seigneur, pour cette paix qui semblait
désormais possible entre chrétiens.
    Et cependant, Seigneur, j’avais avancé, tout au long de ces
jours que ma raison trouvait bénéfiques, comme si j’avais marché au bord d’un
de ces abîmes que décrit Dante quand il explore l’enfer.

 
43.
    Cet abîme, Seigneur, ouvert en moi, je voyais s’accumuler en
son fond l’hypocrisie, l’injustice, la haine, la mort – et encore la
guerre.
     
    Enguerrand de Mons avait appris que, durant une journée
entière, le roi avait tenu à être « instruit » par les évêques avant
son absolution à Saint-Denis. Souvent, d’une boutade, il avait écarté les questions
qui le dérangeaient, disant ainsi qu’il ne croyait au purgatoire que comme
« croyance de l’Église, et non comme article de foi, et aussi pour faire
plaisir au clergé, sachant que le purgatoire, c’était le pain des
prêtres… ».
    — Il s’est moqué, soulignait Enguerrand de Mons. Il a,
par ses propos, accusé les prêtres de vendre des indulgences. Luther l’avait
dit. Le roi est donc resté huguenot. Quand un évêque a voulu savoir en quelle
langue il priait, en français, comme les gens de la cause, ou en latin, comme
ceux de l’Église catholique, il a ri, haussé les épaules et dit :
« Ni l’un ni l’autre. Je prie en béarnais, comme mon

Weitere Kostenlose Bücher