Peines, tortures et supplices
placés de distance en distance le long de la lisière du bois, empêchaient les curieux d'approcher.
Pendant le trajet, Ciosi ne cessait de fumer, et, regardant par la lucarne de la voiture, il disait à l'abbé Baron: «Nous approchons.»
Agostini était triste et répondait à peine aux paroles de consolation que prononçait l'abbé Forestier.
M. le général Soumain, suivi de son état-major, est arrivé à huit heures dans la vaste plaine du Polygone.
Les troupes se sont déployées et ont formé les trois côtés d'un grand carré fermé dans sa quatrième partie par le Polygone.
La voiture cellulaire est arrivée à huit heures.
Aussitôt un roulement de tambour s'est fait entendre sur toute la ligne.
Les condamnés, soutenus par les gendarmes, et assistés par les aumôniers Forestier et Baron, sont descendus et se sont placés debout en face des pelotons d'exécution.
Le greffier du conseil de guerre a lu à haute voix le jugement de condamnation qu'il a terminé en disant:
«Ce jugement est exécutoire; que justice soit faite»
Usant du droit que lui confère l'article 90 du Code de justice militaire, le général avait ordonné qu'il ne serait pas procédé à la dégradation.
Les aumôniers et les gendarmes ont voulu bander les yeux des patients. Agostini s'est laissé faire; Ciosi a refusé le bandeau.
Puis ils se sont agenouillés auprès de deux poteaux.
Agostini s'est évanoui; des soldats ont été obligés de le lier au poteau.
Ciosi regardait froidement.
—Pauvre Agostini! disait-il.
Enfin les deux adjudants ont fait avec leur épée deux signes silencieux qui signifiaient:
Apprêtez armes!
Joue!
Feu! s'est fait entendre.
Ciosi est tombé sur la face.
Agostini s'est affaissé lié au poteau.
Près de leurs cadavres se sont aussitôt approchés deux chirurgiens, puis deux caporaux chargés de donner le coup de grâce.
Mais les chirurgiens ont reconnu que la mort ayant été foudroyante pour Ciosi, il était inutile de lui donner ce coup, qui se tire ordinairement dans l'oreille. Agostini seul l'a reçu, son corps remuant encore au moment où les médecins l'ont visité.
Devant les corps sanglants des suppliciés ont défilé, au son de leur musique, toutes les troupes présentes: dix mille hommes environ.
Ciosi et Agostini ont été inhumés au cimetière de Vincennes.
XXVII.
FUSILLADE EN ESPAGNE.
On écrivait de Madrid le 4 février 1866:
Hier a été passé par les armes le capitaine Pedro Espinosa, commandant les chasseurs de Figueras, pour avoir pris part au dernier soulèvement militaire.
C'était un vrai type de vieux soldat. Calme et souriant, il est allé au-devant de la mort, comme s'il s'agissait de se rendre à la parade.
Le chapelain du régiment l'accompagnait, et de temps en temps il cessait d'écouter ses paroles de consolation pour saluer des amis dans la foule.
Une compagnie d'ingénieurs marchait en tête du funèbre cortége, que fermait un escadron de cavalerie.
Le temps était splendide. Partout, sous les rayons du soleil, la vie et l'animation! On entendait les marchands crier: la fresca! la fresca! cirillas, cirillas! —Des verres d'eau fraîche et du feu pour les cigarettes.
Les chansons de la multitude et le carillon des clochettes des mules imprégnaient pour ainsi dire l'air de joyeuses mélodies.
—Quel beau jour pour mourir! dit le capitaine Espinosa à son confesseur.
On était arrivé sur le lieu de l'exécution.
Après avoir entendu la lecture de sa sentence, le condamné s'avança au pied du mur où il devait se tenir pour recevoir la fatale décharge.
—Amis, s'écria-t-il d'une voix sonore, pardonnez-moi toute la peine que je vous donne, et surtout pas de faiblesse! Il me reste une grâce à vous demander, celle de viser droit au cœur!
La prière de l'infortuné Pedro fut exécutée. Deux secondes après, il tombait foudroyé; sur douze balles, huit avaient porté en pleine poitrine.
Les troupes qui avaient formé le carré défilèrent devant le cadavre, que les membres de la confrérie de la Paix et de la charité enlevèrent ensuite pour le porter au cimetière général.
XVIII.
Nous empruntons à l' Événement un très-curieux récit de M. Darcourt:
La dernière tentative du général Prim et ses suites ont donné lieu en Espagne à des représailles, et sur quelques points du territoire où l'état de siége avait été proclamé, l'affaire s'est terminée par des exécutions militaires. Sur la liste des insurgés
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