Peines, tortures et supplices
grand uniforme, s'approcha du condamné et donna lecture à haute et intelligible voix de la sentence de mort. Karakozof l'écouta attentivement; on vit sa tête penchée d'abord à gauche, dans l'attitude de l'audition, retomber à droite comme s'il avait peine à la soutenir. Lorsque la lecture de la sentence fut terminée, le prêtre s'approcha du condamné avec le crucifix en main. Karakozof baisa très-dévotement la croix, se prosterna et reçut la bénédiction du prêtre, puis il salua le peuple en se tournant dans les quatre directions.
On entendit alors plusieurs voix émues proférer les mots: «Que Dieu te pardonne.» Les deux bourreaux bandèrent les yeux du condamné et la couvrirent d'un suaire, qu'ils eurent un peu de peine à mettre. On le conduisit du pilori à la potence. La corde fut passée au cou, sur un signe du grand-maître de police, Karakozof fut lancé dans l'éternité.
La mort fut instantanée; il ne remua que deux ou trois fois, et l'on vit aussitôt le cadavre se raidir. À sept heures et demie on le descendit du gibet et on le plaça dans un cercueil noir.
XXIV.
LE GARROT.
Ce supplice est actuellement en usage en Espagne pour les exécutions publiques.
Le patient est assis sur un échafaud, le derrière de la tête appuyé sur un poteau, un collier de fer lui tient le cou. Le bourreau se tenant derrière le poteau, tourne vivement un tourniquet qui serre le collier, et le patient est étranglé.
Dès que l'exécuteur des hautes œuvres a rempli son triste mandat, il est entouré par les gendarmes, qui lui posent les menottes et le conduisent dans un des cachots de la prison. Quelques heures après, se présente un greffier ou escribano , accompagné de l'alguazil.
Le bourreau est appelé à comparaître, et aussitôt s'entame le dialogue suivant:
—Vous êtes accusé d'avoir tué un homme, dit l' escribano .
—Oui, c'est la vérité, répond le bourreau.
—Pourquoi avez-vous accompli ce meurtre?
—Pour obéir à la loi et remplir le mandat que m'a confié la justice.
Procès-verbal est dressé séance tenante, signé par le bourreau, et le lendemain soumis à l'examen du juge. Celui-ci prononce alors une sentence d'acquittement en faveur du bourreau, qui est mis en liberté après avoir été traité, durant vingt-quatre heures, comme un criminel. C'est un agrément de plus à ajouter à tous ceux du joli métier d'exécuteur des hautes-œuvres.
XXV.
LA LOI DE LYNCH.
On écrivait de New-York, le 30 novembre dernier, au Droit :
Samedi, 24 novembre, à onze heures quarante-cinq minutes du soir, un certain nombre d'hommes, armés de fusils et de pistolets, entourèrent la prison du comté, laquelle est située juste au centre de la ville de Lebanon (Kentucky), en enfoncèrent la porte extérieure, et sommèrent le geôlier de leur délivrer la clef du donjon qui fait partie de la prison, mais qui en est séparé par une porte en fer d'une merveilleuse solidité.
Dans le même temps, le reste de cette bande de sectateurs du juge Lynch, laquelle se composait en tout d'environ cent cinquante individus et obéissait docilement au chef qu'elle s'était donné, parcourait la ville silencieusement, plaçant des piquets dans les rues principales et arrêtant les habitants attardés qu'ils y rencontraient.
La porte extérieure de la prison une fois enfoncée, le geôlier courut se cacher au grenier. On se mit alors en mesure de forcer la porte de fer du donjon à l'aide de marteaux de forge. Tous les efforts restant infructueux, on se mit de nouveau à la recherche du geôlier, et on finit par le découvrir dans sa cachette. Menacé de mort, il dut livrer la clef du donjon, mais on ne l'en garda pas moins prisonnier.
Après avoir parlementé pendant quelque minutes, cinq hommes pénétrèrent dans le donjon sans rencontrer de résistance; ils se formèrent en ligne, demandèrent Clément Crowdus, William Goode et Thomas Stephens. Jugeant toute résistance inutiles, ces victimes désignées se livrèrent à leurs bourreaux. À ce moment, le chef de la bande de lyncheurs dit au premier:
—Crowdus, il y a longtemps que je vous cherche.
À quoi celui-ci répondit:
—Je le sais bien, monsieur...
Le nom du chef fut prononcé; mais aucun de ceux qui l'ont entendu n'ont jugé prudent de le faire connaître.
Les trois prisonniers furent extraits du donjon dont on eut bien soin de refermer solidement la porte, afin, sans doute, de laisser quelque chose à faire à la justice
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