Perceval Le Gallois
révéler la formule magique qui lui permettrait de réunir les deux tronçons dans la fontaine. Le Gallois se dirigea donc vers l’endroit où se trouvait son cheval. Ses armes gisaient à terre, et il commença à les revêtir, bien décidé à s’en aller dès à présent en quête du lac Cotoatre.
C’est alors qu’un homme, qui allait à pied, venant de la forêt, une hache sur l’épaule, s’approcha de lui et lui dit : « Perceval, où veux-tu donc aller ? » Au son de cette voix qu’il reconnaissait, Perceval sursauta, et il examina attentivement le visage de l’homme. Celui-ci était vêtu, à la manière des bûcherons, d’habits rudes mais solides, et la capuche qui recouvrait sa tête laissait entrevoir des touffes de cheveux gris. L’homme le fixait d’un regard qui lui faisait mal. « Qui es-tu ? demanda Perceval. Et que t’importe de savoir où je vais ? » L’homme se mit à rire d’un rire qui résonna longuement jusqu’aux arbres de la forêt proche. Perceval sentit la colère l’envahir de nouveau. D’un geste brusque, il saisit le pommeau de son épée et la brandit en face de l’homme à la hache, prêt à lui fendre le crâne, s’il persistait à rire ainsi. Mais il suspendit son geste et demeura stupide en voyant qu’il ne brandissait qu’un tronçon de métal inutile. « Eh bien ! Perceval ! reprit l’homme à la hache, tu es toujours aussi impétueux, à ce qu’il me semble ! À moins que ta conscience ne refuse la réalité de tes actes ? Comment me ferais-tu le moindre mal avec ce moignon d’épée ridicule ? Et pourtant, tu t’apprêtais à me frapper, je l’ai bien compris ! » Perceval lâcha le tronçon, détacha le fourreau de sa ceinture et le jeta au sol. « Pardonne-moi, dit-il. Je suis fou depuis que j’ai brisé cette épée. »
L’homme à la hache ramassa le fourreau et le tronçon qu’il remit à sa place. Puis il tendit le tout à Perceval. « Reprends ton bien, dit-il. Cette épée t’appartient, et tu devras encore en faire usage. – Oui, dit Perceval, mais un seul homme est capable de la ressouder : le forgeron Govannon, qui réside près du lac Cotoatre. C’est là que je comptais me rendre, puisque tu voulais le savoir. – Fort bien, dit l’homme à la hache, mais sais-tu où se trouve le lac Cotoatre ? – Non, mais je saurai bien le trouver. » L’homme se remit à rire. « Et tu passeras des mois et des années à errer sans jamais le découvrir si quelqu’un ne t’en indique le chemin ! » Perceval se reprit soudain à espérer. « Peux-tu m’indiquer ce chemin ? s’écria-t-il. – Non, répondit l’homme. Je n’en ai pas la moindre envie. – Tu refuses donc de m’aider ? – Je n’ai pas dit cela. Mais réponds d’abord aux questions que je vais te poser. Sais-tu pourquoi ton épée s’est brisée ? – Oui, par ma foi ! je ne le sais que trop, hélas ! Mon épée possède une vertu : au premier coup que l’on en frappe, elle assure la victoire ; mais si on en frappe une deuxième fois le même adversaire, sa lame se rompt. Et c’est ce qui est arrivé. J’ai combattu le maudit Le Hellin, qui a tué mon père et s’est emparé de ses domaines, je l’ai atteint de telle sorte qu’il est tombé et qu’il se trouvait à ma merci. Or, mon cœur était si rempli de haine et de colère que je me suis acharné sur lui et l’ai frappé une seconde fois. – C’est bien répondu, dit l’homme à la hache. Je vois que tu as enfin compris que la haine mène au désastre. Jusqu’à présent, Perceval, tu n’as agi que par haine et par orgueil : l’orgueil qui te poussait à être le meilleur de tous, la haine qui t’aveuglait et t’empêchait de découvrir ce que tu cherchais avec tant d’obstination. » Ces paroles plongèrent Perceval dans une longue méditation. « Qui es-tu donc ? finit-il par demander.
— Je suis celui qui t’a déjà parlé dans la forêt quand tu étais découragé, ne sachant où porter la tête de cerf et le brachet. Je suis celui qui, sous la forme d’un enfant, t’a montré le chemin qui menait vers la Colonne de Cuivre, qui, à califourchon sur une branche, se moquait de toi. – Merlin… murmura Perceval. – Oui, Merlin, ce vieux fou de Merlin qui paraît à tes yeux sous l’aspect d’un bûcheron parce que cet aspect t’intrigue et te fait réfléchir. On m’a souvent appelé le Fou du Bois, non sans raison d’ailleurs. Donc me voici,
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