Petite histoire de l’Afrique
famines ; depuis le drame des années 1970, les mesures prises à l’échelle nationale et locale, couplées à l’aide internationale, ont généralement été en mesure de remédier aux pires calamités. Mais à une condition : que les hommes ne s’en mêlent pas, que l’accident climatique ne se cumule pas avec une guerre locale, civile ou non, ni avec l’impéritie de gouvernements corrompus, ce qui demeure, hélas, trop souvent le cas, aujourd’hui comme sous la colonisation.
Au demeurant, on ne peut qu’admirer la capacité de résilience des Africains qui ont, depuis tant de siècles, su résister victorieusement à tant de handicaps et de conquêtes. Car un fait demeure : à l’exception relativement brève de la colonisation dite de peuplement (d’ailleurs toute relative) en Afrique du Sud et en Algérie, l’Afrique fut peuplée quasi exclusivement d’Africains qui surent, en outre, toujours absorber en leur sein les apports extérieurs, qu’ils soient issus du Proche-Orient, d’Arabie, d’Indonésie, ou plus tard d’Europe. L’Afrique est une extraordinaire terre de synthèse pétrie d’histoire,qui ne vécut jamais, contrairement à ce que racontèrent et crurent les Européens, dans l’isolement, et ce depuis les origines de son histoire.
« Ethnies » et tribalisme
Il est temps de se débarrasser de quelques clichés déformants qui traînent dans les médias. Ainsi l’idée d’ ethnie est un faux concept comparable à celui d’« identité nationale », aussi mouvant, fluctuant et insaisissable. Les trois quarts des langues africaines appartiennent à la famille des langues bantoues. Bantu n’est pas un terme ethnique, mais linguistique (l’équivalent des langues dites indo-européennes). Il s’agit en fait d’un sous-groupe de la famille des langues congo-kordofaniennes, dont le noyau primitif se trouvait sur les plateaux nigérians quelque deux ou trois mille ans avant notre ère. Leurs locuteurs se dispersèrent progressivement vers l’Afrique occidentale, ou vers la cuvette congolaise et, de là, vers l’Afrique australe, en apportant vraisemblablement avec eux la métallurgie du fer et donc la domestication de l’agriculture ; ils constituèrent, sur plusieurs millénaires, la première colonisation interne du continent, au sens premier du terme : la conquête agricole des terres. Aujourd’hui, il existe plusieurs centaines de langues bantoues, dont les locuteurs sont très loin de tous se comprendre (à l’image d’un Anglais et d’un Français, dont les langues sont pourtant toutes deux issues de la famille indo-européenne). En Afrique australe, leurs langues furent contaminées par celles des premiers occupants, locuteurs khoi-san (ou langues à clics,sons produits par le claquement de la langue), que l’avancée des bantouphones refoula il y a très longtemps vers les confins inhospitaliers du désert du Kalahari.
Le groupe dominant en Afrique du Nord est celui des langues dites afro-asiatiques, dont font partie le berbère (parlé en Afrique du Nord depuis plusieurs millénaires) et l’arabe (qui ne s’y est répandu qu’au VIII e siècle de notre ère) : d’où le caractère approximatif et discutable de l’expression « arabo-berbère ». À noter que l’utilisation courante du terme « arabe » pour désigner un peuple est une hérésie scientifique (sauf s’il s’agit de désigner, dans les temps anciens, des habitants de la péninsule Arabique) : on devrait parler d’ arabophones , en particulier pour l’Afrique du Nord où la grande majorité des peuples étaient berbérophones ; les « Arabes » musulmans sont, en majorité, des descendants autochtones d’ascendance berbérophone (ou autre) convertis à l’islam. L’ arabité est un concept culturel peu clair qui s’est affirmé à partir des grands empires médiévaux dits « arabo-musulmans ».
Avant la colonisation, comme partout, il exista en Afrique de nombreuses formations politiques, de la plus petite (chefferie) à la plus grande (empires). Ces sociétés politiques eurent une histoire commune parfois pendant plusieurs siècles, un système hiérarchisé, un mode de production et de vie et, le plus souvent, une langue commune : le fon dans le royaume d’Abomey, l’ewe sur la côte togolaise actuelle, le yoruba ou l’igbo au Nigeria (actuel), etc. C’étaient des États, et même souvent des États-nations, même si leurs bases et leurs règles
Weitere Kostenlose Bücher