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Petite histoire de l’Afrique

Petite histoire de l’Afrique

Titel: Petite histoire de l’Afrique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Catherine Coquery-Vidrovitch
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les sols ne s’y prêtaient pas ? Parce qu’une pression démographique limitée n’incitait guère à intensifier la production ? Parce que les rives des fleuves intertropicaux, infestées par l’onchocercose, ne se prêtaient pas à la diffusion des techniques d’irrigation pratiquées le long du Nil ? Le fait est qu’en dehors des crises écologiques (communes à toutes les sociétés préindustrielles) un équilibre relatif put s’instaurer entre des populations dans l’ensemble peu denses, souffrant donc peu du manque de terres caractéristique du Moyen Âge occidental, et leur mode de subsistance. Entendons-nous bien : cela n’a rien à voir avec l’ immobilisme naguère supposé par les ethnologues occidentaux (et aujourd’hui encore par Nicolas Sarkozy). Mais, partout dans le monde, les sociétés rurales préindustrielles connurent une élasticité limitée par la nature, et donc une stabilité relative des principes d’organisation avant l’intrusion de la mécanisation. Cela n’est vrai, malgré les apparences, que jusqu’aux débuts de la colonisation qui, rappelons-le, débuta dès le XVI e  siècle dans certains endroits (au Mozambique ou sur la côte angolaise par exemple), et au XVIII e  siècle lorsque des missionnaires importèrent en Afrique les premières charrues (en Afrique australe notamment).
    Une économie rurale de subsistance
    Cet équilibre relatif put perdurer parce qu’il était tendu vers un unique objectif : la subsistance du groupe. Le travail de la collectivité rurale connaissait unfaible degré de spécialisation ; le niveau technologique rudimentaire rendait peu significatif le contrôle matériel des moyens de production : tout le monde ou presque pouvait posséder une daba (houe), tout le monde pouvait cultiver son champ, dans un contexte où l’on ne souffrait pas ou peu de la « faim de terre ». Cela explique l’absence de l’appropriation privée du sol, au moins au sens strict du terme. À proprement parler, le concept de propriété privée de la terre (concept clairement défini en Occident par le droit romain) n’existait pas. La terre n’était pas appropriable, elle était un don du ciel qui assurait la survie grâce à ses produits : culture, élevage, chasse et cueillette. En disposaient et pouvaient en transmettre la jouissance les membres de la collectivité censés descendre des premiers occupants — et qui conservaient ce statut même si des conquérants étaient intervenus entre-temps. Mais il était hors de question de la vendre. Le « chef de terre », souvent différent du chef politique (qui, lui, pouvait descendre d’un conquérant), jouait un rôle religieux plutôt que foncier. Il assurait la régulation de l’exploitation du terroir plus ou moins au prorata de la dimension et du rang des familles, mais il ne pouvait en disposer à des fins personnelles, même si, dès les premiers contacts avec les Européens, ceux-ci l’ont fait agir peu ou prou comme le propriétaire de fait — au sens occidental du terme. Dès 1891, par exemple, les Achanti entreprirent la mise en valeur de terres cacaoyères, qu’il s’agissait dès lors d’acheter et de faire fructifier ; pour ce faire, les Anglais les encouragèrent à adopter la transmission patrilinéaire de leurs biens (c’est-à-dire de père enfils), alors que la société achanti était matrilinéaire, ce qui décourageait les planteurs de bonifier des terres qui, à leur mort, reviendraient aux enfants de leurs sœurs 1 . En 1900, les Britanniques érigèrent les chefs provinciaux du royaume ganda en grands propriétaires fonciers des terres qu’ils avaient à administrer.
    Auparavant, c’était le groupe tout entier qui assurait une production destinée essentiellement à sa subsistance. En Afrique centrale et orientale dominait l’habitat dispersé ; il n’était pas rare, lorsqu’un chef était polygame, que chacune de ses femmes se trouvât à la tête d’une exploitation isolée. Cela explique pourquoi, au début des indépendances, un certain nombre de gouvernements autoritaires (notamment « marxistes-léninistes ») imposèrent le regroupement des villages ; ce fut le cas en Éthiopie, en Tanzanie ou au Mozambique. L’idée n’était pas mauvaise en soi, qui traduisait le souci de mettre en commun les outils modernes de l’exploitation agricole. Mais les opérations, précipitées et mal acceptées, se traduisirent par des catastrophes

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