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Petite histoire de l’Afrique

Petite histoire de l’Afrique

Titel: Petite histoire de l’Afrique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Catherine Coquery-Vidrovitch
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écologiques et humaines.
    En pays de forêt, les villages dépassaient rarement une centaine d’habitants. En revanche, dans les savanes d’Afrique de l’Ouest ils étaient plus gros et pouvaient regrouper, sous le contrôle du patriarche entouré des demeures de ses femmes, tout un lignage, c’est-à-dire une vaste famille sur plusieurs générations. Le cas le plusfréquent était le voisinage de plusieurs fragments de lignages différents ; car si la descendance croissait trop, elle essaimait, avec à la tête de chaque groupe un descendant de l’ancêtre commun, ce qui créait des liens entre les différents villages. Ces maisonnées, proches de la terre et soumises à la nature, étaient moins organisées pour produire que pour survivre. Chacune constituait un centre autonome de production et de consommation où, faute de surplus, les échanges commerciaux, s’ils n’étaient pas absents, restaient limités. Même dans les régions où les marchés étaient denses et fréquents, comme en Afrique de l’Ouest, on ne venait pas seulement pour vendre ou acheter un menu produit (le plus souvent, on échangeait un peu de bois contre une poule, ou le contraire). Les transactions de voisinage étaient aussi l’occasion d’échanges de toute nature ; échange social d’abord : on venait entendre les nouvelles ou discuter, dans certaines sociétés, des alliances matrimoniales, etc. ; échange politique également : pour le chef, le marché était un moyen de rassembler les villageois, donc de faire reconnaître son autorité par les chefs voisins, et de collecter le tribut. Régional ou local, le marché était donc un lieu social autant qu’économique.
    Hormis pour les grands chefs, le surplus commercialisable demeurait limité, l’impact du faible niveau technologique se trouvant renforcé par la qualité médiocre des sols. Dans ce cadre, la vie paysanne était moins un mode de production qu’un mode d’existence  : c’est une différence essentielle par rapport au mode de production mercantiliste occidental, où tout s’achète et se vend, toute valeurétant valeur d’échange, y compris la force de travail. En revanche, dans le mode paysan — même si le secteur marchand y exista de tout temps et dans toutes les sociétés —, ce n’est pas la valeur marchande, c’est l’appréhension directe des valeurs d’usage, concrètes et multiples, qui occupait toute la vie sociale : un objet, une idée ne valaient que par l’usage que l’on en faisait. Tel objet banal, dont la valeur commerciale était minime en Europe (une aiguille, un couteau, une mesure de sel) pouvait représenter une valeur sans commune mesure avec son prix de revient, parce qu’il était rare, venu de loin, ou parce qu’il était réservé à un usage noble (comme certains types de pagne, l’or, ou l’ivoire thésaurisé grâce à la chasse).
    Cela concernait tout ce qui répond aux besoins : nourriture, outils, vêtements, mais aussi objets d’art et monuments, connaissances (le savoir magique, destiné à agir sur la nature) et croyances. En effet, l’appréhension des valeurs d’usage se faisait au niveau le plus bas des forces productives. C’est pourquoi, soumis aux puissances de la nature, l’homme interprétait le monde sous une forme religieuse qui lui tenait lieu de science : même au niveau matériel le plus misérable, les besoins ne se mesuraient pas seulement en termes physiologiques mais, simultanément, en termes idéologiques et sociaux, c’est-à-dire élaborés par et pour la société. Autrement dit, les rapports de production ne se limitaient pas (comme dans le mode capitaliste) à une définition juridique de la propriété ou du profit : ils prenaient, à l’occasion de la production, une dimension à la fois sociale et politique.
    Tel qu’il est décrit ci-dessus, le mode de production paysan semble parfois avoir subsisté tardivement. Selon les zones, le principe de base pouvait différer : on commercialisait le manioc et parfois le riz (en climat équatorial), le mil (en zone soudanienne), voire, sous la colonisation, une culture d’exportation payée cash (l’arachide au Sénégal ou au Niger, l’huile de palme sur la côte nigériane ou déhoméenne, la noix de cajou au Mozambique, le café ou le cacao ailleurs). Mais le schéma resta longtemps analogue. Malgré les apparences, il n’en va plus de même, nulle part. Certes, les moyens technologiques demeurent souvent

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