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Petite histoire de l’Afrique

Petite histoire de l’Afrique

Titel: Petite histoire de l’Afrique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Catherine Coquery-Vidrovitch
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chez les éleveurs du sahel et en Sénégambie. Les castés étaient au service des gens libres et ne pouvaient sortir de leur condition ; la caste impliquait en effet l’endogamie (pas de mariage en dehors de sa caste) et la transmission du même savoir-faire de génération en génération. C’était une inégalité importante pour les gens de métier : forgerons, tisserands, cordonniers, ou griots (chanteurs-musiciens) spécialisés dans la mémorisation des faits et gestes des grandes familles auxquelles ils étaient attachés, de père en fils ou de mère en fille. Comme en Inde, il reste parfois difficile de lutter contre les préjugés de caste, qui peuvent entraver la vie politique : ainsi, au Sénégal, l’action militante des syndiqués du réseau ferré de l’AOF (presque tous castés car travaillant le fer) eut jusque dans les années 1950 bien du mal à faire la jonction avec les milieux politiques dakarois (souvent descendants d’hommes libres, en sus « originaires » de nationalité française). Encore aujourd’hui, il peut être problématique pour un casté de poursuivre une carrière politique 4 .
    À propos des esclaves, les chercheurs sont revenus sur la distinction longtemps en vigueur (ce qui évitait aussi de poser le problème) entre le « captif » local, censé connaître une vie familiale globalement acceptable, et l’« esclave de traite », condamné à la vente, en Amérique ou ailleurs. Ni plus ni moins que dans les autres sociétés prémodernes, l’esclavage ne fut inconnu en Afrique. Quoi qu’aient cru et dit les observateurs instruits par les chefs de façon souvent tendancieuse, la captivité et les souffrances des plus démunis ne furent pas moins âpres que celle des esclaves « exportés ». Comme partout, il y eut de « bons » et de « mauvais » maîtres. On décèle, depuis le XVI e  siècle au moins, une corrélation entre l’émergence des États et la mise en place d’une force de travail servile. Il a également existé des plantations esclavagistes, qui se développèrent avec les cultures d’exportation, surtout au XIX e  siècle précolonial. Ce sont les guerres, nombreuses entre peuples voisins, qui furent les principales pourvoyeuses de prisonniers (et de femmes) incorporés en qualité d’esclaves à la société victorieuse. Ces esclaves de guerre n’étaient pas prioritairement des soldats : faire partie de l’armée du prince restait un privilège aristocratique, et un homme de bonne naissance était monnayable contre rançon (comme cela se pratiquait dans la « course » méditerranéenne). L’armée victorieuse ratissait les villages : outre les femmes, toujoursappréciées, ceux qui étaient razziés comme esclaves étaient souvent déjà esclaves auparavant. Il s’agissait des plus démunis, dont les proches étaient incapables de racheter la liberté. On pouvait aussi réduire en esclavage (et donc vendre ailleurs) des gens dont on voulait se défaire, dans des sociétés qui ignoraient l’usage de la prison fermée : un individu chassé du village n’avait d’autre recours que d’aller se réfugier auprès d’un autre groupe, qui l’acceptait comme dépendant ou comme esclave 5 .
    Bien entendu, il faut d’abord définir ce que l’on entend par « esclavage », qui ne désigne pas nécessairement un système aussi spécifique que celui du sud des États-Unis dans les plantations de coton. L’esclave était un « étranger sans racine », tache indélébile chez des peuples où l’essentiel de la religion consistait à honorer les ancêtres. On était esclave de naissance ou on le devenait, étant entendu que tous les étrangers n’étaient pas nécessairement esclaves, et que la condition libre n’était pas non plus aisée à définir dans nombre de sociétés africaines anciennes. La condition servile était majoritairement féminine ; il était beaucoup plus difficile pour une femme que pour un homme de s’en émanciper. Mais l’homme, même libéré, n’en restait pas moins, avec ses descendants, à jamais un esclave social, car il restait dépourvu d’ancêtres fondateurs : en Sénégambie, on peut encore aujourd’hui deviner, à partir de son nom, siune personne descend ou non d’un esclave, d’un ceddo (guerrier), d’un casté ou d’un homme libre.
    La hiérarchisation sociale était accentuée dans les sociétés aristocratiques, très répandues chez les peuples où l’élevage

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