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Piège pour Catherine

Piège pour Catherine

Titel: Piège pour Catherine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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ne lui reste rien.
    — Eu sera-t-elle plus riche ou plus heureuse si l'on tue le mien ?
    — Dame, fit le vieil homme, vous ne pouvez comprendre : vous êtes femme haute et noble pour qui les petites gens sont si peu que rien...

    — Guillaume Legoix n'appartenait pas aux petites gens. C'était un grand bourgeois et un homme riche !
    — Peut-être, mais ce n'était tout de même qu'un bourgeois, comme moi-même et la plupart de ceux de notre ville. Paris, Madame, est fait surtout de peuple et de bourgeoisie, bien peu de nobles. Les grands seigneurs sont assez loin de nous, tout occupés qu'ils sont de guerre et de tournois. Bien sûr, Guillaume Legoix a tué le frère du seigneur de Montsalvy, mais c'était en temps de guerre, Madame...
    Du coup, Catherine se releva et fit face au Prévôt.
    — De guerre ? Non, messire, pas de guerre ! Temps de révolte, si vous voulez ! Caboche n'a jamais été chef de guerre que je sache !
    Vous jouez là sur les mots. J'aurais dû dire guerre civile et vous ne pouvez pas savoir ce que c'était, car alors on devait vous élever douillettement au fond de quelque noble château où les fureurs de Paris n'arrivaient que fort peu ! Vous ignorez ce qu'il en était, alors, en ce temps où les gens d'ici, las des favoris d'Ysabeau, des mauvais nobles, des exactions, s'étaient soulevés pour la liberté. Et même si je dois vous faire une peine extrême, j'ajouterai que le meurtre, si meurtre il y a eu, du jeune seigneur de Montsalvy n'a soulevé l'indignation de personne. Paris trouvera bon, croyez-moi, que Monseigneur le Connétable fasse tomber la tête d'un noble coupable d'avoir abattu un bourgeois, même serviteur de l'ennemi. Nous l'avons d'ailleurs tous été quelque peu par force ou par choix volontaire, mais nous l'avons été ! Le procès, que Monseigneur n'a que trop retardé jusqu'à présent à cause des événements politiques, doit s'instruire.
    Comprenez-vous?
    Catherine regarda le vieillard puis, tour à tour, ceux qui l'entouraient. Elle vit Tristan anxieux, le Bâtard déjà désolé, le Connétable durci dans sa position ainsi que l'indiquaient sa bouche serrée et ses sourcils froncés.
    Elle vit aussi les Auvergnats frémissants, leurs mains qui hésitaient du côté du pommeau des épées ou des dagues. Elle comprit que, peut-
    être, dans un instant il serait trop tard. Tous ces braves gens de ce pays d'Auvergne, qu'elle aimait maintenant plus que son sol natal, étaient prêts au massacre pour arracher leur ami à la mort et faire prévaloir leurs droits de seigneurs.
    Si Arnaud était sacrifié aux mânes de Guillaume Legoix, ce serait le sang dans ce jardin et là-bas, en Auvergne, une révolte qui courrait la montagne comme un incendie de forêt. Elle ne pourrait éviter ce drame et sauver Arnaud, tout à la fois, qu'en faisant fi de son orgueil, en s'avouant pour ce qu'elle était.
    Le vieux Prévôt ne rendait pas la parole de Richemont à la dame de Montsalvy... mais il la rendrait peut- être à Catherine Legoix.
    Du geste, elle imposa silence à ses amis qui hurlaient déjà leur colère et leur réprobation, puis, se tournant vers Michel de Lallier :
    — Non, messire, je ne comprends pas ! C'est vous, bien au contraire qui avez quelque chose à comprendre, car il est un fait que vous ignorez. C'est qu'à l'époque dont vous me parlez je n'étais pas, comme vous en donnez l'image lénifiante, « douillettement » élevée en quelque château. J'étais à Paris, messire, au temps terrible de la Caboche, j'étais même sur le Pont-au-Change la nuit où Guillaume Legoix a massacré Michel de Montsalvy et son sang a éclaboussé ma robe d'enfant...
    — Mais enfin, c'est impossible !...
    Impossible ? Tous ceux de mes amis qui, ici, me connaissent savent qu'Arnaud de Montsalvy a épousé en moi la veuve de Garin de Brazey, Grand Argentier de Bourgogne, mais ceux de Bourgogne savent que Garin de Brazey avait épousé, par ordre du duc Philippe, la nièce d'un notable dijonnais qui n'était qu'un simple bourgeois. N'est-ce pas, messire de Ternant, que vous le savez ?
    Ainsi directement interpellé, le seigneur bourguignon abandonna un moment son attitude impassible pour considérer la jeune femme.
    — Je l'ai, en effet, entendu dire. Le duc Philippe, mon maître, fort épris de cette jeune fille... chose que chacun peut comprendre aisément en vous regardant, Madame, avait contraint, disait-on, le Grand Argentier à épouser la nièce d'un... drapier, je

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