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Piège pour Catherine

Piège pour Catherine

Titel: Piège pour Catherine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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jaillissant par saccades de ses poignets tranchés, des pendus aux faces violettes, d'autres qui, accrochés la tête en bas au-dessus d'un feu mourant, n'avaient plus pour visage que d'énormes charbons noircis...
    L'unique rue du village était transformée en charnier. Attachés aux troncs des arbres, des hommes achevaient de mourir, hérissés de flèches. Devant la porte d'une grange sur laquelle un paysan était cloué, les bras en croix, comme une chouette, un routier forçait une jeune femme qui hurlait, tandis qu'un autre assommait, d'un coup de masse d'armes, deux enfants qui s'accrochaient à leur mère...
    Catherine ferma les yeux pour ne plus voir, trébucha et tomba sur les genoux.
    — Faut regarder où vous mettez les pieds, M'dame ! lui dit Cornisse. C'est pas la Cour, ici.
    — Regarder ? Pour voir ça ? Mais qu'est-ce que vous êtes donc ?
    Des bêtes ?... Non, vous êtes pires que des bêtes car, jamais, même les plus sauvages n'ont eu votre cruauté. Vous êtes des brutes, des démons à face humaine...
    L'autre haussa les épaules, habitué.
    — Bah ! c'est la guerre !
    — La guerre ? Vous appelez ça la guerre ? Ces meurtres, ces tortures, ces pillages, ces incendies...
    Cornisse leva un doigt en l'air d'un air doctoral qui contrastait avec sa figure plate et camuse.
    — "Guerre sans feu ne vaut rien, non plus qu'andouille sans moutarde !..." C'est un roi d'Angleterre qui a dit ça !... Un qui s'y connaissait !
    Malade de dégoût, Catherine préféra ne rien répondre. On se dirigea vers l'église. Sa porte pendait arrachée et, de l'intérieur éclairé, partaient des mugissements et des cris d'animaux.
    Cornisse s'approcha avec ses prisonniers. Catherine vit que l'intérieur était plein de vaches, de veaux, de bœufs, de moutons et de chèvres qu'un routier, portant cuirasse sur un froc de moine, recensait à l'aide d'un gros livre posé sur le lutrin. Des balles de fourrage s'empilaient dans les bas-côtés et, dans une petite chapelle, des hommes entassaient les provisions saisies dans toutes les maisons.

    Devant l'autel, trois jeunes filles entièrement nues dansaient sous la menace des épées d'une douzaine de soudards qui riaient à gorge déployée et rejetaient avec de grandes claques les longs cheveux dont elles essayaient de se cacher.
    Cornisse jeta un coup d'œil sur tout cela, puis interpella le moine-scribe.
    — Hé ! le Recteur ! Tu sais où est le Capitaine ?
    Sans quitter ses écritures et sans lever les yeux, le scribe indiqua le fond de l'église.
    — La maison qui est là, derrière ! C'est celle du bailli. Il y est...
    — Bon ! On y va, soupira le routier en tirant sur la corde qui le reliait à Catherine.
    Celle-ci plongea dans le regard terne du soudard le sien qui brûlait de fureur et d'indignation.
    — Maudits ! Vous serez tous maudits ! Si les hommes ne vous punissent pas, Dieu s'en chargera ! Vous pourrirez dans des prisons ou au bout des potences en attendant de brûler en enfer pour l'éternité.
    A la grande stupeur de la jeune femme, l'homme se signa avec une terreur visible puis lui intima, avec humeur, l'ordre de se taire si elle ne voulait pas être bâillonnée.
    Haussant les épaules, elle lui tourna le dos avec mépris et sortit de l'église profanée la première et la tête haute. Mais, comme elle mettait le pied hors du portail, un violent éclair illumina tout le village et, d'un seul coup, l'orage creva. Des trombes d'eau s'abattirent avec la violence de cataractes, tombant d'un ciel noir d'où partaient des grondements d'Apocalypse, couchant les flammes, douchant les brasiers qui se mirent à fumer comme des chaudières.
    Cornisse regarda Catherine avec épouvante et dirigea vers elle deux doigts en cornes.
    Sorcière !... Tu es une sorcière ! Une fille du Diable ! Grande dame ou pas, je vais dire au Capitaine qu'il te fasse brûler !
    La jeune femme eut un rire sec.
    — Sorcière ? Parce que l'orage éclate ? C'est Dieu qui gronde au-dessus de vos têtes, bandits ! C'est lui qui confirme mes paroles, pas le Diable, votre maître.
    Pour toute réponse, il l'entraîna en courant le long des contreforts trapus, à travers les flaques d'eau qui déjà se formaient. La pluie cinglait leurs visages et inondait la poitrine de la jeune femme qui ne s'en défendait pas.
    L'un tirant l'autre, ils s'engouffrèrent sous le porche d'une maison d'assez belle apparence dont les fenêtres éclairées étaient même garnies de carreaux. D'affreux

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