Potion pour une veuve
Excellence n’y voient aucune objection, j’aimerais émettre une suggestion…
— Impossible, trancha Oliver. Ça ne marchera pas.
— Il faut que je réfléchisse, dit Berenguer. C’est peut-être réalisable.
— Uniquement si tout le monde en ville est au courant, précisa Isaac.
Le mardi suivant, Serena de Finestres quitta la protection du palais épiscopal et regagna lentement sa finca, à plusieurs lieues de la ville. Elle n’était accompagnée que de sa servante, de son jeune fils, du médecin, de sa fille et de Yusuf. Isaac et ses aides étaient là pour s’assurer qu’elle supportait bien les rigueurs du voyage. Ils devaient s’en revenir le jour suivant.
Elle arriva sans le moindre incident à la finca et, selon un voisin qui passait par là, disparut aussitôt dans sa maison barricadée comme une forteresse.
En ville, l’opinion était divisée quant à la sagesse et à la nécessité d’un tel déplacement.
— J’aurais fait de même. Je n’aurais pas aimé séjourner au palais de l’évêque en un moment aussi douloureux, dit la femme de Pons Manet, qui était très attachée à son mari. J’aurais préféré rentrer chez moi.
— Mais on prétend que sa vie est en danger, rétorqua sa belle-fille, une jeune femme timide prénommée Francesca. Et elle n’a plus de mari pour la protéger à présent. Non, je resterais le plus longtemps possible au palais.
Sur la grand-place, le marchand de grains aborda Pons Manet.
— On raconte que l’évêque l’a chassée. Je suis bien de son avis. Elle a une belle propriété et elle a besoin d’un homme pour veiller dessus. Ce n’est pas au palais qu’elle en trouvera un.
— Donnons à cette pauvre femme le temps de pleurer son mari, dit le bon maître Pons, qui songeait à son épouse affectionnée. Qu’elle séjourne un temps là où elle se sent le plus en sécurité.
— Qui doit se sentir en sécurité ? interrogea Luis Mercer, qui les avait abordés.
— La femme de Pasqual, lui répondit le marchand de grains. L’évêque l’a renvoyée chez elle. Las de la voir traîner dans le palais, à mon avis.
— Vraiment ? fit Mercer. Ça ne lui ressemble pas.
— Eh si, pourtant. Je le tiens de source sûre.
— Ah oui ? Le poissonnier Bartolomeu ? Vous ne croyez tout de même pas ces bavardages de bonnes femmes !
— Quels bavardages ? voulut savoir Luis Vidal, qui avait rejoint le petit groupe.
— On raconte que maîtresse Serena est rentrée à sa finca. Je tiens la nouvelle du père Francesc, fit le marchand de grains avec indignation. Je n’écoute pas les commérages, moi.
— Quand je disais que vous prêtiez l’oreille aux vieilles femmes ! lança Luis Mercer, et les deux hommes éclatèrent de rire.
— Non, c’est vrai, reprit Luis Vidal. Je me suis levé tôt ce matin et je l’ai vue partir.
— Bien gardée, j’espère.
— Rien du tout, à moins que vous ne considériez l’apprenti du médecin comme un garde, dit Luis Vidal. Son maître et lui étaient les seuls hommes.
— Alors je prie pour qu’elle arrive saine et sauve chez elle.
Clara achevait la décoration de la robe vert de mer de Sa Majesté quand elle fut convoquée sous sa tente.
— Doña Clara, dit la reine, venez vous asseoir près de moi.
Clara obéit.
— J’ai reçu des lettres vous concernant, Clara de Finestres. Car tel est bien votre nom, n’est-ce pas ? ajouta la reine après une longue pause.
— Oui, Votre Majesté.
— Ces lettres apportent des nouvelles que je dois vous transmettre. L’une d’elles est joyeuse, mais l’autre n’est que chagrin.
— Oui, Votre Majesté ? fit Clara, à peine capable de parler tellement elle tremblait. Puis-je demander ce qui va m’arriver ?
— Vous découvrirez dans un instant la réponse à cette question, Doña Clara. Cela m’attriste beaucoup de vous apprendre que votre père, loyal et fidèle serviteur de Sa Majesté le roi, est mort de la main d’un assassin.
Le temps s’évanouissait, à nouveau elle avait onze ans.
— Mais, Votre Majesté, la chose s’est produite…
— Il y a un mois, reprit Doña Eleanora. En revanche, votre mère est en parfaite santé et impatiente de vous revoir.
— Ma mère ? Votre Majesté, ma mère est morte.
— Non, mon enfant. Votre mère est en vie et elle attend votre retour. Vous partirez au matin avec une escorte appropriée. J’envoie Doña Tomasa avec vous parce qu’elle
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