Potion pour une veuve
l’accompagnait, mais qu’il l’avait perdu. Martín a demandé à l’étranger s’il avait vu un homme sur un cheval noir et si oui, où il allait. L’étranger a répondu qu’il donnerait cent sous à celui qui lui indiquerait son adresse, car son serviteur et lui-même le recherchaient également. Martín a enfin dit qu’il dénicherait volontiers une maison contre cent sous.
— Cent sous, fit Isaac. Luis.
— C’est tout ce que Gil a entendu de leur conversation, dit Serena d’un air las, mais c’était assez. Martín était devenu trop dangereux. Il retourna à l’auberge pour les éloigner de la finca, et il repartit le lendemain. Une fois de plus, Martín l’a suivi. Seulement, cette fois-ci, Gil l’attendait, et il l’a attaqué. Puis il est venu passer la fin de semaine en notre compagnie. Il ignorait la gravité de sa blessure.
— Il est mort une semaine plus tard, dit Berenguer, ou à peu près. Peut-être a-t-il décidé de se venger avant de…
— C’est improbable, Votre Excellence, intervint Isaac. La blessure affectait le bras qui tient l’épée et elle l’aurait affaibli. Le lundi matin, il devait éprouver tous les effets de la putréfaction. Frapper un homme – un homme habitué à se méfier de tous – et s’enfuir est chose tout à fait improbable.
— J’ai vu des individus grièvement blessés frapper à mort leur ennemi, dit Oliver.
— C’est vrai, monseigneur, un brave est capable d’un tel exploit. Mais il ne quitte pas son lit, avec une blessure vieille de cinq jours. Il lui faut être dans la chaleur du combat.
— C’est tout à fait exact, maître Isaac. Mais si ce n’est pas Martín, qui est-ce ?
Un long silence fit suite à la question d’Oliver.
— Oui, qui ? répéta l’évêque.
— Puis-je poser une question ? demanda Serena.
— Mais bien entendu, tout ce que vous voudrez.
— Comment m’avez-vous retrouvée ? Nous pensions que je ne pourrais être découverte que par la personne qui suivrait mon époux. Le seigneur Oliver dit que Violant le lui a appris, mais ce n’est pas possible. Elle ne savait rien de la finca.
— Vous avez dit à dame Violant que si Clara ne pouvait pas dormir, elle se trouverait bientôt en un endroit d’où elle pourrait à nouveau entendre le bruit de l’eau, voir le bassin aux poissons et le poirier. Elle a écrit ces mots pour que le sache quiconque aurait à s’occuper d’elle.
— Et cela vous a suffi ?
— Seulement après avoir découvert que Pasqual Robert avait une femme. Il gardait par-devers lui une lettre de vous ainsi que votre portrait. J’avais l’enfant qui vous ressemblait, la lettre qui parlait de la finca et la description de dame Violant. De plus, un saute-ruisseau m’a appris qu’elle se trouvait entre Hostalric et Gérone. J’ai ensuite beaucoup réfléchi, et j’ai réussi.
— Señora, dit l’évêque, je crois que nous devrions prendre des mesures pour faire rentrer au plus vite votre fille de Sardaigne.
— Votre Excellence, lui répondit Serena avec froideur, je connais ces histoires de propriétés en déshérence apparente et d’héritiers disparus qui reviennent comme par magie. Je ne pense pas que vous cherchiez à abuser de mon chagrin et de ma crédulité, mais ce n’est certainement pas le cas de cette enfant et de ceux qui l’ont dressée.
— Non, señora, dit Yusuf. J’ai passé plusieurs jours avec Clara et nous avons beaucoup bavardé. Peu importe ce que nous avons dit, mais elle continuait à insister sur le fait que sa mère était morte. Moi aussi, j’ai remarqué que vous lui ressemblez tant que c’en est surprenant.
— Je ne puis y croire.
— Señora, dit Oliver, permettez-moi de lire les nouvelles d’elle arrivées avec le dernier sac de courrier. Vous jugerez par vous-même s’il s’agit bien de votre fille.
— De qui est-ce ? demanda Berenguer.
— De mon espion. Je vous l’ai dit, n’est-ce pas, que j’avais un espion à la cour ? En fait, c’est une espionne. Ma sœur – ma demi-sœur, Tomasa, qui se trouve en Sardaigne et à qui j’écris. Je l’ai suppliée de veiller sur Clara et de devenir son amie, car il lui en faut une après avoir vécu ce qu’elle a vécu.
— Que voulez-vous dire ?
— Je vous en prie, señora, écoutez-moi. « Mon cher frère, votre amie est arrivée et elle nous charme tous. Cette traversée l’a bouleversée et elle s’est inquiétée de son oisiveté,
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