Potion pour une veuve
s’écroula à terre.
— Le sauvage embusqué dans le grand chêne ? répéta Yusuf.
Oliver de Centelles fut porté jusqu’à la maison et conduit dans une chambre où Raquel, aidée de l’une des servantes, s’occupa des blessures qu’il avait reçues au bras, au côté et aussi à la tête. Elle les nettoya, les banda, lui donna une décoction contre la douleur et lui dit que ses explications pouvaient attendre.
— Reste avec lui, ordonna-t-elle à la servante. Empêche-le de bouger ou de parler et appelle quelqu’un s’il n’est pas sage.
Comme elle parlait, le seigneur Oliver sombra dans le sommeil, et elle descendit en toute hâte aider son père et Yusuf à s’occuper d’un Luis Mercer plutôt mal en point.
— Comment va-t-il, papa ?
— Nous ne pouvons rien de plus pour lui que pour celui qu’il a tué, dit Isaac d’une voix qui ne trahissait aucune émotion.
— Je lui ai conseillé de ne plus songer qu’au salut de son âme, dit Serena. J’ai envoyé le garçon chercher un prêtre, mais il ne cesse de répéter qu’il n’en veut pas, il ne réclame que sa terre et tout ce qui m’appartient, l’insensé ! Mais comment va le seigneur Oliver ?
— Il s’est battu, dit Raquel. Il est blessé et a perdu du sang, mais j’ai étanché ses blessures et maintenant, il dort. Je ne lui ai pas permis de parler, j’ignore donc qui l’a agressé. Cet homme ?
— Luis ? Non, fit Serena. Il ignorait la présence du seigneur Oliver, mais il disait avoir amené quelqu’un avec lui.
— Il a dû s’enfuir, señora, fit remarquer Isaac.
— Pourquoi nous occupons-nous de cette charogne, cracha-t-elle avec amertume, comme si sa vie avait une quelconque valeur ?
— Allons, señora, c’est malgré tout une créature du Seigneur. Et peut-être a-t-il quelque chose d’important à nous révéler.
L’homme qui gisait sur le lit semblait avoir été réduit à un visage maigre et à des yeux caves, comme s’il était déjà privé de toute substance.
— Vous parlez comme si je n’étais pas ici, murmura-t-il. Mais j’entends chacune de vos paroles. Vous regretterez, ma jolie cousine, d’avoir épousé ce bon à rien quand vous auriez pu m’avoir… Lorsque mon loyal Enrique terminera le travail…
Il toussa. Du sang jaillit de sa bouche et ses yeux devinrent vitreux.
Isaac ôta la main de sa poitrine.
CHAPITRE XXI
Trois jours plus tard, Oliver de Centelles était installé dans un grand fauteuil garni de coussins moelleux et jouissait du soleil de cette fin de matinée. Raquel brodait non loin de lui, perdue dans ses propres réflexions. Elle ne songeait pas à l’homme solidement charpenté, aux traits plaisants mais burinés, assis tout près d’elle, mais à un grand et beau jeune homme au visage doux et timide qui aurait déjà dû être revenu de Constantinople.
Dans sa tour, assise près de la fenêtre, Serena veillait sur Guillem, occupé à élaborer une construction compliquée à l’aide de cubes de bois, mais elle portait surtout ses regards vers la campagne, comme à son habitude.
Elle les entendit avant de les voir. Quelqu’un chantait avec une voix de basse – cela venait de la grand-route. Puis une saute de vent porta vers elle un nuage de poussière. Elle le regarda se dissiper et entrevit, sur la route bordée d’arbres qui conduisait à la finca, un cheval au robuste poitrail. Elle s’approcha de la fenêtre mais resta dissimulée, par habitude. Quatre lanciers en armes, montés sur des destriers, atteignaient le portail. Derrière chevauchaient quatre femmes, elles-mêmes suivies de deux palefreniers, de mules chargées de bagages et de quatre autres lanciers. Un officier fermait la marche.
Elle prit Guillem dans ses bras et descendit l’escalier en courant.
— Ouvre la porte, cria-t-elle à Dalmau, la porte de devant !
Dès qu’il eut fini de batailler avec la barre et les serrures, elle sortit, posa Guillem et attendit.
Les quatre lanciers s’écartèrent, permettant ainsi à deux des femmes d’atteindre les marches. Les palefreniers s’empressèrent de les aider à mettre pied à terre. La plus petite sauta à bas de sa monture et se mit à courir.
— Maman ! s’écria-t-elle, avant de prendre dans ses bras Serena qui s’était penchée pour l’accueillir.
— C’est qui, la dame ? questionna le petit garçon, caché derrière sa mère et affolé par l’arrivée de tant de monde.
— C’est ta
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