Potion pour une veuve
châle sur sa robe, se glissa dans la chambre du petit Guillem et se pencha au-dessus de lui. Elle posa doucement la main sur son front. Il était brûlant de fièvre. Dans l’autre lit, Joana, la nourrice, dormait à poings fermés. Raquel ne s’en étonna pas. Guillem avait passé une très mauvaise nuit, tourmenté par des cauchemars et une vilaine toux, et la nourrice l’avait veillé pendant des heures.
Malade ou non, Guillem ne pouvait rester là. Délicatement, elle le serra contre elle et l’emmena à la cuisine.
— Que prend-il le matin ? murmura-t-elle. Il est fiévreux et il a mal dormi.
— Du pain et du lait, répondit la cuisinière. Oh, pauvre petit ! Du miel aussi. Attendez un instant.
— Je vais le recoucher, dit Raquel dès que la cuisinière eut placé une écuelle dans sa main libre. Merci.
Au lieu de le ramener dans sa chambre, elle emprunta des couloirs étroits puis un escalier assez raide conduisant à la partie de l’habitation réservée à sa mère, une tour carrée sise à l’angle sud-ouest de la maison. Raquel savait que, de ses nombreuses fenêtres, on voyait la route, la cour, les vignes et les collines au-delà. C’est là qu’occupée à son ouvrage elle attendait le retour de son mari tandis que son fils jouait à ses pieds. Le petit Guillem aimait bien cette pièce. Il prit un peu de pain et de lait, toussa et se rendormit sur une pile de coussins.
— Et les autres ? demanda la cuisinière.
— Je ne les ai pas entendus, répondit son aide.
— La maîtresse ne sera pas contente, dit-elle en s’asseyant à la grande table. Allez, viens goûter mes pains. On n’aura plus beaucoup le temps de rêver quand ils arriveront.
Et la cuisine plongea dans le calme qui précède l’orage.
Oliver avait passé la nuit entière à attendre, couché dans la cabane dressée dans les vignes. De là, il avait une vue imprenable, quoique limitée, sur la maison, le ruisseau et les vignes. Il avait vu Serena arriver et Isaac se joindre à elle. Il ne s’attendait à rien en particulier, mais il était prêt à tout.
Quand l’étranger se présenta soudain dans son champ de vision, il concentra toute son énergie et s’accroupit sur le sol de terre battue.
Si les yeux et les oreilles de Yusuf ne lui faisaient pas défaut ou s’il ne continuait pas à dormir dans son lit, Oliver n’avait au fond rien à craindre de ce qui se trouvait à l’ouest de la cabane. Lui-même pouvait voir assez bien la majeure partie du paysage qui s’étendait à l’est. Il ne quittait plus du regard le nouveau venu. S’il s’agissait bien du Luis auquel pensait Oliver, il n’était pas venu seul. Avec précaution, il rampa hors de la cabane, à l’affût du moindre bruissement.
L’attaque fut aussi violente qu’inattendue. Un corps massif s’abattit sur lui, l’écrasant au sol.
Il roula sur le côté, sentit une lame caresser ses côtes et tira une longue dague de l’une de ses bottes. Il frappa une fois, entamant la chair et se donnant ainsi le temps de se relever.
Le poignard le toucha à nouveau, au bras cette fois-ci, comme il plongeait vers la main qui le tenait. Puis le métal heurta le métal, et son adversaire fut désarmé. L’homme fit un bond pour échapper à Oliver et ramassa un lourd bâton avec lequel il se mit à exécuter des moulinets.
Le soleil était apparu au-dessus des collines et les autres serviteurs se levaient quand Joana poussa un hurlement. Des portes s’ouvrirent et se refermèrent en claquant, des bruits de pas résonnèrent sur les pierres du sol. Des cris retentissaient dans les salles avec des appels au secours désespérés.
Seule la tour était calme. La lourde porte au pied de l’escalier était barrée ; il eût fallu dix hommes munis d’un bélier pour l’ébranler. Raquel se pencha par la fenêtre, soucieuse de comprendre ce qui se passait mais, à l’exception de son père debout parmi les vignes, elle ne vit rien. Elle remarqua alors Serena assise devant lui. Quelque chose avait dû la perturber, car elle se leva et se retourna brusquement.
Dans la maison, le tumulte ne cessait de s’intensifier.
— Guillem a disparu et maîtresse Raquel avec lui ! s’écria Joana. J’ai fouillé dans toute la maison. Ils ont disparu !
— C’est ridicule, rétorqua la cuisinière. Maîtresse Raquel est descendue avec lui prendre du pain et du lait avant de le ramener dans sa chambre.
— Dieu du ciel, mais
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