Potion pour une veuve
Nous avons un veilleur.
— Excellent.
— Certes, c’est un enfant de neuf ans, pas très futé de surcroît. Et puis il ne peut pas guetter tout le temps. C’est quand même mieux que dans certains endroits.
— Il risque plus d’attirer les pillards que de les chasser, fit remarquer Oliver.
— Il n’est pas là pour les renvoyer, mais pour nous prévenir.
— Vous pouvez donc prendre les armes ?
— Nous pouvons nous enfuir dans les collines. La dernière fois ils sont venus à deux ou trois barques de huit hommes chacune. Et nous n’avons au mieux que trois personnes en âge de se battre, armées seulement de gourdins. C’est pourquoi nous nous enfuyons.
— Quand attaquent-ils ? demanda Miquel.
— À ce moment même. Au petit matin. Ils abordent la grève et frappent avant que l’on ne parte aux champs. En fait, le gosse dit qu’il a vu deux embarcations la nuit dernière.
— La nuit dernière ? répéta Oliver.
— Ne t’inquiète pas, personne d’autre ne les a vus. Ce garçon raconte parfois des bêtises et voit des choses qui ne sont pas, mais on envoie tout de même quelqu’un vérifier.
— Il me fait l’effet d’un drôle de guetteur, dit Gabriel.
— Il voit peut-être plus que ce qui existe, mais jamais moins. Bon, vous devriez vous remettre en chemin si vous voulez arriver à Barcelone dans la matinée, fit Mundina en les poussant vers leurs bêtes comme s’ils étaient des oies égarées.
Ils étaient à peine en selle que Gil sortit en courant de la maison et posa la main sur l’étrier d’Oliver.
— Merci, señor, vous avez été bon pour moi. Je ne l’oublierai jamais.
— Tante Mundina va s’occuper de toi, mon gars. Tu peux lui faire confiance. Mais ne lui joue pas de mauvais tours, d’accord ?
— De mauvais tours ?
— Au revoir, mon garçon. Et à bientôt.
Le ciel était couvert de nuages et il faisait frais. La plupart des membres de la petite troupe se sentaient ravivés quand ils repartirent. Dans les collines, des cloches sonnaient prime.
— C’est bien, on repart à temps, dit le sergent à Oliver alors qu’ils attendaient que les mules les rejoignent sur la grand-route. Si Dieu le veut, on arrivera en ville avant midi. Là, je suis sur le point de croire qu’on conduira notre chargement à bon port. Parce que la nuit dernière, je n’aurais pas parié un sou sur nos chances.
— Et pourquoi, sergent ?
Oliver n’eut pas l’occasion de le savoir. Leur conversation fut soudain interrompue par un cri perçant qui provenait de la colline située derrière la maison de Mundina. Un petit garçon aux pieds nus dévala la pente à toute allure.
— Des bateaux, cria-t-il, des bateaux ! Dites-le à tante Mundina. Il y a des bateaux, et ils envoient des barques vers la grève !
— Il faut que je reste, dit Oliver.
— On devrait commencer par voir par nous-mêmes. Rappelez-vous que ce garçon a l’imagination fertile.
Narcís avait mis pied à terre et grimpait en courant la colline que le gosse avait dévalée.
— Je les vois ! cria-t-il. Deux galées au large. Ils envoient deux barques. Non, trois !
— Combien d’hommes ?
— C’est difficile à dire, sergent. Peut-être six ou huit par embarcation.
Gabriel grimpa à son tour en haut de la colline.
— Il y a une quatrième barque, avec huit hommes et un officier, me semble-t-il, sergent.
— Il a de bons yeux ! s’étonna Oliver.
— Excellents. Mieux qu’un faucon. Dommage qu’il ne tire pas aussi bien que Narcís. Ah, si on pouvait combiner les deux…
Mundina arriva en courant, traînant Gil derrière elle. Tous deux portaient de petits balluchons.
— Il faut s’enfuir, dit-elle.
— Non, lui conseilla Oliver. Montez tous les deux sur Neta. On les attend, sergent ?
— À cinq – pardon, Yusuf –, six contre trente ou plus ? On m’a demandé d’aller à Barcelone, pas de jouer les héros sur la grève. On va déguerpir le plus vite possible.
— Et les maisons ?
— On ne peut rien contre eux. Soyez réaliste, messire. Nous mettons en péril notre chargement et nos vies, et l’on risque aussi de perdre les maisons et leurs habitants.
— Ne vous inquiétez pas pour nos affaires, dit Mundina. Ils ne trouveront rien. Nos biens seront toujours là à notre retour.
— Et s’ils brûlent la maison ?
— Les choses importantes y seront toujours.
— Ne restez pas là à bavarder, trancha le sergent. Mettez
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