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Potion pour une veuve

Potion pour une veuve

Titel: Potion pour une veuve Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Caroline Roe
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inaperçu. J’ai cru entendre quelqu’un là-bas, sur la grand-route.
    — J’ai pensé que tu étais le seul d’entre nous à ne pas être armé. Nous pourrions avoir des problèmes cette nuit. J’ai voulu t’arranger un coin où dormir.
    — Des problèmes ? répéta Gil d’une voix tremblante.
    Oliver ne répondit pas.
    — Où vais-je dormir ? Pas dehors ?
    — Avec l’orage ? Ne sois pas ridicule. Entre. Et ne marche sur personne. C’est bondé, ici. Tiens, là, ajouta-t-il à voix basse quand ils furent arrivés au fond de la cabane. Il y a du foin pour faire un lit. Je crois que tu es assez menu pour y tenir, et les planches vont pouvoir te supporter. La seule personne assez petite pour coucher là, c’est Yusuf, et il s’est déjà trouvé un coin à lui.
    — Comment vais-je y monter ?
    — Ah, tu ne grimpes jamais aux arbres ? Tiens, dit-il en croisant ses doigts, je vais t’aider.
    Le garçon se hissa sur l’étagère et passa quelques instants à arranger le foin et à disposer ses affaires personnelles. Puis il se pencha et dit :
    — Merci, señor, et bonne nuit. Où allez-vous dormir ?
    — Juste dessous.
    — C’est pour me protéger ou me garder prisonnier ?
    Suscité par l’indignation et un sentiment de culpabilité, un démenti lui vint aux lèvres, mais il préféra éclater de rire.
    — C’est à toi de décider, mon garçon.
    Malgré tout, il choisit soigneusement la position dans laquelle il dormirait. Gil ne pourrait se sauver ni même s’approcher sans monter sur celui qui s’était institué son protecteur.
     
    L’orage éclata et ce fut un déchaînement d’éclairs, de pluie tombant à seaux et de tonnerre assourdissant. Les bêtes se serrèrent les unes contre les autres, mais aussi contre les hommes qui dormaient, somnolaient ou veillaient, chacun selon son tempérament propre. Le sergent assura le premier tour de garde, debout à l’entrée de la cabane, tourné vers l’extérieur. Il était inquiet. À l’intérieur, rangés le mieux possible, de véritables trésors destinés au roi. Seuls Oliver Climent et lui savaient exactement ce qu’ils transportaient : ils n’avaient pas voulu éveiller la cupidité des vautours qui étaient légion entre Gérone et Barcelone. Le chemin était déjà suffisamment périlleux.
    Ce garçon lui causait des soucis. Fugitifs, abandonnés, voleurs, les jeunes garçons étaient aussi nombreux que souris en grange, se disait-il, et leur nombre était encore accru des innombrables orphelins survivants de la Peste noire. Certains – quand on réussissait à les attraper – pouvaient apprendre un métier et se rendre utiles. Le reste était condamné à une vie brève et famélique, et à une mort violente. Oliver avait comparé Gil à un chaton sauvage, et le sergent se dit que rien n’était plus juste. La plupart de ces jeunes garçons étaient en effet semblables aux matous farouches tapis dans les rues les plus sales. Le sergent ne se faisait aucune illusion à leur propos.
    Mais chez celui-là, il y avait quelque chose qui n’allait pas : il ne ressemblait pas à ces petits fugitifs qu’avait vus le sergent. Cela l’inquiétait qu’Oliver, homme raisonnable apparemment, se fût entiché de lui. Le garçon ne poserait toutefois pas de problème cette nuit-là : il lui faudrait déjà descendre de sa planche sans marcher sur Oliver Climent.
    Le gros de l’orage était passé tandis qu’il se perdait dans ses réflexions. Le tonnerre grondait dans le lointain, les sautes de vent s’apaisaient et la pluie allait finir par s’arrêter. Les bêtes se calmèrent, et les hommes paraissaient dormir à poings fermés. Mais les espoirs du sergent de cheminer au clair de lune s’étaient évanouis. Aux premières lueurs de l’aube, voilà qui était plus raisonnable. Il prit alors les mesures qui s’imposaient.
     
    Comme la bougie se mourait, le sergent réveilla Miquel et s’installa pour dormir. La pluie était assez fine et l’on n’apercevait aucune éclaircie. Il s’interrogeait sur l’état du chemin menant à la grand-route quand le clapotis régulier sur le toit le plongea dans le sommeil.
    Quand il s’éveilla, la pluie avait cessé, et le ciel nuageux prenait des teintes grises. Il avait trop dormi.
    — Debout ! hurla-t-il. Qu’est-il arrivé au veilleur ?
    — Je suis là, messire, dit Miquel qui, appuyé à l’un des murs, somnolait paisiblement tandis que le jour se

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