Potion pour une veuve
pour la nièce de Cardona.
— Non, Don Bernat. C’est impossible.
Avec patience, il exposa les arguments dont il avait précédemment fait part au sergent : leur retard imprévu, cette halte inattendue.
— Je suppose que vous avez trop d’expérience pour vous laisser facilement abuser, dit le trésorier d’un air pensif. Et nous avons des raisons de vous être reconnaissant. Mais une fille de cuisine, tout de même !
— Ce n’est pas…
— C’en était une, Oliver. Vous dites qu’elle s’exprime bien. Sait-elle coudre ?
— Je l’ignore. Les sœurs ont dû lui enseigner ce genre de choses.
— Eh bien, demandez-le-lui, fit Relat d’un ton irrité. Elle et sa compagne peuvent rester ici ce soir avec le reste de la maison de la reine. Trouvez si elle sait coudre. J’ai beaucoup à faire avant que ce maudit navire ne quitte le port.
Oliver murmura l’expression de sa gratitude et sortit du cabinet du trésorier.
Oliver conduisit les deux femmes vers la porte du couvent où des chevaux les attendaient.
— Pourquoi devons-nous partir ? l’interrogea Mundina. Clara est épuisée.
— Il le faut, c’est tout, répondit-il, mais nous n’irons pas loin. En ville, pas ailleurs.
— Où ça ? demanda Clara, les yeux pleins de terreur.
— Ni dans un couvent ni chez un maître. Ce serait tout de même plus facile si vous me faisiez confiance un instant. Je vous emmène dans un endroit plus sûr.
— Qu’entendez-vous par là ?
— Vous le saurez dans un instant. Mais d’abord, je me dois de vous poser une question. C’est très important.
— Quelle est-elle ? fit Clara, soupçonneuse.
— Savez-vous coudre ?
— Si je sais coudre ? Mais bien entendu. De quel type de couture parlez-vous ? ajouta-t-elle avec une certaine hésitation.
— Je ne sais pas. De couture…
— De travaux d’aiguille ? De ravaudage ? Ou de coupe d’habits comme le font les tailleurs ?
— Je ne sais pas, je vous le répète.
— Je sais travailler à l’aiguille et ravauder, évidemment. Je suppose que, si j’avais de l’étoffe à ma disposition, je pourrais me confectionner une robe. Je ne serais cependant pas aussi vive et douée que celles qui en vivent.
Intimidée, épuisée et toujours vêtue de son ample habit de franciscain, Clara se tenait aux côtés d’Oliver et faisait face au trésorier de la reine, à son secrétaire, à l’adjoint dudit secrétaire et à un scribe.
— Savez-vous faire un ourlet ? demanda le trésorier qui compulsait ses notes.
— Certainement, Don Bernat, répondit Clara, perplexe. Cela n’a rien de difficile.
— Et broder ?
— Oui, Don Bernat. Bien que, pour le moment, je ne dispose ni d’aiguille ni de ciseaux, en un mot de tout ce qui est utile à semblable tâche.
— Voilà un très bon point, dit le trésorier en se tournant vers le jeune secrétaire adjoint, lequel contemplait avec stupéfaction le petit franciscain. Veillez à ce que notre jeune amie ait dès demain tout ce dont elle a besoin. Faites vérifier que le nécessaire est au complet et signez vous-même le rapport.
— Une trousse de couture ? dit le secrétaire adjoint comme s’il allait protester, puis il changea d’avis. Comme vous voudrez, Don Bernat. Faudra-t-il autre chose ?
— Une robe droite, je suppose, s’amusa Don Bernat. Voyez ce que ces dames détiennent dans la garde-robe. Le plus vite possible. À mon avis, ajouta-t-il en se tournant vers Clara, Sa Majesté et vous-même êtes sensiblement de la même taille, bien que vous soyez un peu plus petite…
— Beaucoup plus petite, trancha le secrétaire.
Bernat de Relat lui adressa un regard approbateur.
— On m’a dit que c’était une modification facile à apporter. Il ne devrait pas y avoir de difficulté.
— Merci, Don Bernat, dit Clara.
— Une robe droite donc, dit le secrétaire adjoint en notant ces mots. Je m’en occupe immédiatement si Votre Seigneurie n’a plus besoin de mes services.
— Faites…
Don Relat le renvoya d’un geste de la main et le regarda sortir de la pièce.
— Je ne devrais pas taquiner ainsi votre jeune assistant, dit-il au secrétaire quand la porte se fut refermée. Mais il a un air si sérieux que je ne puis m’en empêcher. Bien. Maîtresse Clara, ajouta Relat en se tournant vers elle, votre suivante et vous-même partirez dans deux jours sur le navire de ravitaillement de Sa Majesté.
— Je vous en suis très
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