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Potion pour une veuve

Potion pour une veuve

Titel: Potion pour une veuve Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Caroline Roe
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précipitée auprès de lui la nuit dernière pour recueillir ses dernières paroles.
    — Ah oui ? Je n’ai rien entendu de tel.
    — C’est que vous faites preuve de beaucoup d’indifférence pour un page, dit Gueralt de son ton moqueur. À mon époque, on savait tout et l’on connaissait tout le monde.
    — Je m’occupe des malades. Le roi a d’autres pages.
    — Dans ce cas, vous ne l’avez pas vu, dit sèchement Don Manuel.
    — Je l’ai vu. La nuit dernière.
    — Était-il au lit ? s’enquit Don Manuel.
    — Non, il avait réuni son conseil.
    — Vraiment ? Il n’était pas malade ? J’en suis heureux. Je ne devrais pas écouter les commérages, ajouta Don Manuel en riant avec une certaine gêne.
    — Il a bâillé quand je suis entré, précisa Yusuf. Par fatigue peut-être, à moins que les rapports ne fussent trop ennuyeux. Je n’en sais rien. Toujours est-il qu’il était tard et que la réunion s’achevait.
    — Pour quelle raison y étiez-vous ? demanda Gueralt.
    — Pour demander s’il avait des ordres à me transmettre. Je suis toujours son page, et Sa Majesté tient à ce que je lui fasse un rapport chaque soir.
    — Et comment va mon ami Pere Boyll ? demanda Don Manuel. Il m’inquiète beaucoup.
    — C’est ce que j’ai remarqué. Il va mieux.
    — Les médecins ont une curieuse notion de la santé, dit Gueralt. Il m’a semblé être aux dernières extrémités.
     
    Ce soir-là, Pedro d’Aragon était allongé sur sa couche, dans la tente royale, et grelottait de fièvre. La reine était assise auprès de lui, attentive au moindre détail, mais calme pour l’instant.
    — Vous devez regagner le palais royal, Votre Majesté, lui dit le médecin. Un bateau peut appareiller dès demain matin.
    — Oui, Votre Majesté, vous devez rentrer. C’est trop risqué pour votre santé. Laissez les généraux mener à bien la guerre, ajouta l’homme qui se tenait à ses côtés.
    — Non, nous devons rester ici…
    Le roi parlait d’une voix faible et enrouée, mais ses paroles étaient parfaitement audibles.
    — Votre Majesté pourrait mourir si elle s’attardait, dit un autre.
    — Nous pouvons mourir n’importe où, répliqua Don Pedro. Et nous ne souhaitons pas succomber dans une galée alors que nous nous enfuyons.
    — Pourtant l’air d’une galée est meilleur, Votre Majesté. Celui de Sardaigne est nocif.
    — Balivernes ! Nous trouvons excellent l’air de cette île. Et nos généraux ne souhaitent certainement pas nous voir partir.
    — C’est exact, Votre Majesté, mais seule les préoccupe l’évolution de la campagne.
    — Et notre reine ? murmura-t-il. Qu’en pense-t-elle ?
    — Mon seigneur roi, dit Eleanora, je crains que, si vous quittez la Sardaigne, nos troupes ne pensent que vous les avez conduites ici pour mener une guerre sans importance. Elles en seront cruellement démoralisées.
    Elle se pencha vers lui.
    — Nos ennemis reprendront courage dès l’instant où ils apprendront que Votre Majesté a embarqué sur une galée, ajouta-t-elle.
    — C’est certain.
    — Même si nous nous efforcions de tenir secret votre départ, Votre Majesté, ils le sauraient très rapidement, car parmi les dix mille loyaux sujets que nous avons ici, l’ennemi a pu placer quelques traîtres.
    Elle posa la main sur son cœur et regarda droit dans les yeux son royal époux.
    — Je jure par tous les saints que la vie de Votre Majesté m’est plus chère que tout. Je mourrais pour la protéger, et je lutterai pour la préserver. Mais je préfère le faire ici.
    — Vous avez entendu notre reine. Nous devons rester, dit Don Pedro.
    Avec l’ombre d’un sourire, il tourna la tête vers elle et sombra dans le sommeil.
     
    Le lendemain matin, Yusuf avait à peine fini de se laver le visage et de boire un peu d’eau que le médecin du roi s’approchait de la tente, les paupières tombantes et la peau pâle à cause du manque de sommeil.
    — Viens ici, mon garçon.
    Ils allèrent à l’écart.
    — Je suis venu te parler de…
    — Oui, señor ?
    — De ces préparations contre les fièvres que ton maître a concoctées, finit-il par dire comme si cela lui coûtait. Quelqu’un en a parlé à Sa Majesté la reine, et elle insiste pour les essayer, enfin. Elles semblent avoir eu d’excellents résultats avec les malades de ta tente – enfin, certains.
    — Sa Majesté le roi a la fièvre ?
    — Disons plutôt que c’est une

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