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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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joueur, il occupait ses soirées à perdre chez moi ce qu'il empruntait ailleurs. Ce Dumouriez, dont je me demande s'il ne mena pas un double jeu à mon égard, me tenait au courant de quelques intrigues qui intéressaient la Corse et par là même mes affaires. Proche de Choiseul, à qui il devait un peu de sa maigre pension 19 , il était aussi, je pense, un correspondant du Secret. Un franc-maçon également. Toujours est-il que, grâce à ses bons conseils, j'informais Nallut de certaines choses qui nous rapportèrent un peu plus encore – je ne vous en donne pas de détails. Nous en étions là de nos rapports lorsqu'un jour M. Dumouriez fit irruption dans ma maison, l'air très inquiet. Il insista pour me parler en particulier.
    — Monsieur le comte, commença-t-il, j'arrive du ministère de la Guerre où je m'étais rendu pour qu'on me payât ma pension quand j'ai rencontré un vieil ami, aujourd'hui secrétaire aux Subsistances des armées.
    — Voilà une relation intéressante.
    — Certainement, mais plus encore quand vous saurez ce qu'il m'a confié.
    — Je vous écoute.
    — Eh bien figurez-vous qu'il se prépare quelque chose pour la Corse.
    — Ah bon ?
    — Oui, assurément. Des ordres ont été donnés de trouver de nouveaux fournisseurs pour approvisionner quarante bataillons.
    — Bigre ! Il n'y en a que sept aujourd'hui et c'est déjà une belle rente.
    — Oui, mais justement.
    — Justement ?
    — Dans la conversation, cet ami m'a dit qu'il était fort question de retirer les brevets aux actuels commissaires pour les donner à d'autres.
    — Vous en êtes certain ?
    — Tout à fait sûr.
    — C'est fâcheux, il faut que j'en avertisse Nallut et…
    — Mais il y a plus encore.
    — Plus encore ?
    — Oui. Mon ami, qui est dans les petits papiers de l'intendant général Foullon, m'a confié que l'on mène une enquête pour « épingler », m'a-t-il dit, certains détournements. Il m'a aussi affirmé que la « mascarade », ce sont ses mots, des hommes de paille allait cesser. M. Foullon veut reprendre la main sur tout.
    — Ça ne m'étonne pas, il est aussi cupide que sans morale. Il vendrait un cercueil à sa mère.
    — Et il y a pis…
    — C'est déjà bien assez…
    — Malheureusement, on cite aussi votre nom dans une soi-disant affaire de corruption des officiers de la garnison de Calvi.
    — Mon nom ? Calvi ? Mais qu'est-ce donc que cette baliverne ?
    — Je ne sais pas. On jase beaucoup à ce sujet au ministère.
    — Êtes-vous certain de tout cela ?
    — Mon ami est de confiance, c'est pour cela que je viens vous en avertir.
    — Je vous remercie pour votre diligence. Je ne sais pas de quoi il retourne, conclus-je, mais il est certain qu'il y a derrière cela un fumet de complot.
    Dumouriez se retira, me laissant seul avec mes interrogations.
    J'avais déjà dans ma vie fait face à la calomnie, aux mensonges, aux dénigrements et aux pires injustices. Je savais donc qu'il n'y a souvent rien à espérer des hommes lorsque leur opinion se ligue contre vous. Mais quand il se confirma qu'il y avait effectivement de fortes suspicions sur ma personne, j'avoue avoir désespéré de mon prochain. Je vous le jure, je n'ai jamais mené aucune intrigue auprès des officiers d'un quelconque régiment du roi. Et pour quoi faire ? J'en tirais déjà assez de bénéfices sans cela 20 . Ma seule faute se résumait à avoir usé d'un prête-nom. Mais je ne fus pas le seul.
    J'avertis donc Nallut de prendre les dispositions utiles afin de répondre à une éventuelle enquête. Je suis un homme de décision, mais j'aime aussi à m'entourer d'avis. En l'occurrence, celui de M. de Richelieu, dont je vous rappelle qu'il était aussi intéressé à ce négoce, m'importa beaucoup. Il confirma mes craintes, me précisant que l'on s'agitait beaucoup autour de cette affaire de Corse. Une seule note d'espoir dans ce tableau bien sombre : d'autres personnes bien en cour avaient fait leurs bénéfices sur la Corse, et il fallait s'attendre à ce que tout ce bruit finisse par être étouffé. En attendant, me suggéra-t-il, il valait mieux mettre encore une fois un peu de distance avec Paris, comme quelques années plus tôt. Cette fois, j'accueillis le conseil avec beaucoup moins d'enthousiasme. Lors de mon séjour à Londres, pour les raisons que vous savez, ma situation était bien différente. Aujourd'hui, je laissais derrière moi beaucoup plus. Mais surtout, un départ signifiait qu'il me fallait

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