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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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mieux entourer l'héroïne de la soirée. Lebel, en vrai fat, se fit attendre une demi-heure. Lorsqu'il arriva, on le présenta à l'assemblée – même si beaucoup le connaissaient déjà –, avant d'achever le tour par Jeanne. Son œil blasé s'éclaira soudain. Il la regarda longuement, prit des pauses de coq de basse-cour, s'enquit même grossièrement de savoir si elle était venue accompagnée. Jeanne se laissa cajoler. Elle répondit à chacune de ses questions par le doux babil dont je vous ai dit qu'il aurait amadoué le pire des mâtins. Le duc eut la malice de jouer les jaloux en la plaçant à table un peu loin de Lebel. Il s'appliqua aussi à répliquer mollement aux interrogations de ce dernier, laissant croire que l'intérêt qu'on portait à la jeune femme l'embarrassait. La chose éperonna un peu plus Lebel, qui se dit sûrement qu'il avait mis la main sur une perle dont le duc, connu pour ses bonnes fortunes, voulait se garder l'usage.
    La soirée passa ainsi, l'attention du valet toujours plus aimantée par les charmes de Jeanne. On joua ensuite un peu aux cartes. Lebel se débrouilla pour la serrer de près à la table de jeu, lui glissant même plusieurs fois quelques louanges à l'oreille. De ce qu'elle m'a rapporté, ce pauvre homme avait le compliment médiocre. Las, c'était un laquais qui singeait l'homme de goût, mais il forçait son piètre talent en vain car eût-il été muet ou bègue que la cause était entendue : Jeanne serait à lui, nous le voulions. Deux heures après minuit, il se hasarda à demander à M. de Richelieu s'il lui permettait de revoir Jeanne. Le duc persista sur le ton du méfiant, toutefois il maugréa qu'elle ne lui appartenait pas et qu'il fallait s'adresser au comte du Barry pour en savoir davantage. Le tour était joué. Lebel n'en réclama pas plus, et quitta la maison de M. de Richelieu, non sans avoir gratifié Jeanne d'une dernière salve d'éloges de mirliton.
    Une lettre de Lebel ne tarda pas à solliciter une entrevue avec Mlle de Vaubernier afin d'en apprécier la conversation et les bonnes manières , m'écrivait-il. Évidemment, je le fis lanterner encore quelque temps avant de lui répondre qu'elle viendrait le visiter dès l'instant où il l'enverrait chercher. Le jour même, Jeanne montait dans un carrosse qui la mena à l'appartement du valet de chambre du roi, au rez-de-chaussée du château de Versailles, dans l'aile du gouvernement. Ce soir-là, je ne sortis pas, préférant la chaleur de ma bibliothèque aux frimas de ce terrible mois de février.
    Le lendemain, Jeanne me surprit dans mon cabinet. Il neigeait abondamment et je n'avais pas entendu la voiture qui venait de la reconduire chez moi. Sans un mot, elle me donna un baiser sur les lèvres puis me tendit un pli signé de Lebel. Voici ce qu'il disait : « Monsieur le comte, il faut nous voir toutes affaires cessantes pour un motif des plus sérieux. D. L. » Cela sentait la raison d'État. Je priai alors Jeanne de me faire la chronique détaillée de sa villégiature. J'étais un peu ému, je vous l'avoue. Elle s'allongea à demi sur un petit canapé, retira ses souliers, puis commença son récit. Arrivée à Versailles, un domestique l'avait guidée très discrètement vers l'appartement de Lebel en la faisant passer par une porte des jardins. Deux suisses en faction ne firent rien pour la contrôler. Lebel la reçut de manière fort galante. Il se montra un excellent hôte jusqu'au moment où le bougre quitta le masque de l'honnête homme pour se jeter sur elle sans crier gare. Jeanne soutint la lutte vaillamment, épuisant même l'antique bélier de l'assaillant, avant qu'elle ne le ranime par des caresses subtiles qui, me dit-elle, subjuguèrent à nouveau le vieillard. Heureusement, j'avais pourvu Jeanne d'une boîte de mes friandises dont Lebel apprécia le chaleureux concours. La nuit passa ainsi. Au matin, Lebel était exsangue mais respirait encore. Dans un lit, je vous l'ai confié, le genre de Jeanne plaisait toujours. Toutefois, elle faisait un effet encore plus grand sur certains hommes. Pourquoi ? Je ne saurais le dire mais par chance Lebel était de ceux-là. Jeanne s'employa encore à le travailler jusqu'au dîner avant de quitter son appartement par le même chemin que la veille. Lebel prit soin de lui remettre cinquante louis à mon attention, en plus de la fameuse lettre ci-dessus. Le valet était désormais soumis. Restait son maître.
    Je me rendis à Versailles

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