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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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dans la journée qui suivit. Lebel était dans son appartement, et se montra très chaleureux dès mon arrivée. Il ne tarissait pas d'éloges sur les bonnes manières de Jeanne. Il loua son entrain et sa candeur experte, en particulier dans une science très prisée des amants paresseux. À ce sujet, il me confia – je ne sais si c'est vrai – qu'une célèbre maîtresse du roi – je n'en dis pas le nom par respect pour sa mémoire – possédait si mal cet art qu'il s'en soigna par des compresses pendant plusieurs jours après l'avoir éprouvé. Elle se fit tout de même une remarquable place dans le lit du souverain, mais munie de la recommandation de ne point l'entreprendre de cette manière. La chose était précieuse. Après cette digression graveleuse – Lebel en était coutumier –, il en vint à ce qui l'intéressait.
    — Monsieur le comte, je n'en passerai pas par des chemins de traverse : les talents de votre protégée méritent qu'on s'y penche un peu mieux.
    — Vous voulez la revoir ? Elle est à votre disposition.
    — Non, euh… si, enfin, quand vous voudrez, balbutia-t-il, mais là n'est pas la question. Ce que je veux vous dire c'est qu'il me faudrait quelques renseignements sur elle.
    — Bien sûr, de quel ordre ?
    — Un peu de tout, voyez, comme sa famille, son passé, peut-être aussi son nom, le vrai je veux dire.
    — Je comprends, vous envisagez peut-être de la revoir régulièrement, et un homme dans votre position ne peut placer sa confiance sans quelques garanties.
    — Euh… Il y a un peu de ça, en effet, toutefois cette petite enquête a aussi une autre destination.
    — Ah bon, laquelle ? fis-je le plus ingénument du monde, alors que mon cœur se serrait.
    — Une personne dont je partage l'intimité depuis vingt-cinq longues années en sera probablement curieuse.
    — Je ne vous savais marié…
    J'exagérai, je l'avoue.
    — Oh, c'est presque cela, car nous formons un couple sur beaucoup de choses – le cuistre. Non, je veux parler de la personne qui place sa confiance en moi pour tout ce que vous savez. Me comprenez-vous ?
    — Attendez, vous voulez dire que vous songez à…
    — Si fait, monsieur le comte, si fait.
    — Mais Mlle de Vaubernier n'est plus une jeunette, bien qu'elle n'ait pas encore vingt-deux ans – je mentais bien sûr. Je pensais qu'il fallait au roi des fraîcheurs du jour.
    — Vous pouvez vous flatter de posséder une amie qui les fait oublier, j'en témoigne. Et pourtant je les goûte très tendres – la crapule. Mais il faut se rendre à l'évidence, des jeunes femmes un peu plus mûres apportent des satisfactions bien supérieures.
    Le bougre avait changé son discours du tout au tout. À peine deux années auparavant, il ne jurait que par les plaisirs qu'il retirait de ses nubiles victimes. Mais aujourd'hui, le goût du roi s'était lassé des innocentes et Lebel habillait ses jactances d'une autre musique : il lui fallait trouver de quoi rester dans la faveur de son maître. Jeanne s'était présentée à point nommé. Il le savait, moi aussi, mais je continuais à feindre de l'ignorer.
    — Que voulez-vous savoir sur Jeanne ? repris-je.
    — Eh bien…
    Il s'interrompit.
    — Nous pouvons nous parler sincèrement ? reprit-il.
    — Nous partageons déjà quelques petits secrets, c'est un gage.
    — Parfait. D'abord, parlons de sa santé. Elle m'a semblé fort saine, toutefois j'aimerais votre avis.
    — Vous en avez fait la visite. Il arrive que des humeurs sournoises soient parfois tapies au creux des plus jolies fleurs, mais je suis la vivante preuve que Mlle de Vaubernier est plus limpide qu'une source à cet endroit. J'en ai un usage régulier et regardez-moi – je vous parlerai un peu plus loin d'une petite affection qui me donnait pourtant du souci à cette époque.
    Lebel m'examina du regard comme un de ces messieurs de la faculté de médecine. Il sembla convaincu. De toute façon, il était trop tard pour lui. Il reprit son interrogatoire :
    — Et sa famille ?
    — Tout ce qu'il y a de plus honnête. Une mère au service des cuisines d'un gentilhomme et un père qui fait le fonctionnaire – je ne parlai pas de frère Ange.
    — Bien, bien. Et son nom ?
    — M. et Mme Rançon sont ses parents.
    — De la bonne roture, parfait.
    — De la meilleure, répondis-je à ce prétentieux qui oubliait qu'il en était également.
    — Une dernière question. Elle m'a semblé bien éduquée – elle l'était bien plus que lui. D'où lui

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