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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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m'a-t-on dit, de gros bénéfices pour des amis de M. de Choiseul qui cédèrent les arbres de leurs forêts au meilleur prix – mais les belles âmes m'objecteront sûrement que ce sont là des calomnies.
    Au mois de février, au retour d'un spectacle au Théâtre-Français, je trouvai chez moi M. de Richelieu, qui m'attendait en compagnie de deux de mes filles. Je m'étonnai de le voir sorti par ce froid, il me rétorqua qu'il en avait connu de plus sévère en Allemagne pendant ses campagnes. Il reconnut toutefois qu'il fallait une raison importante pour le tirer de devant sa cheminée à une heure si tardive. Nous nous retirâmes dans ma bibliothèque.
    — J'étais à Versailles aujourd'hui pour mes affaires, quand je suis tombé sur Lebel qui sortait de chez le roi, débuta le duc. Je ne l'avais point vu depuis longtemps, et je lui fis quelques compliments sur sa belle mine. En vrai, il est passablement vieux et défraîchi, le bougre. Et, bien que j'aie plus de son âge, je parie que je l'enterrerai. Mais passons. Donc je lui faisais des politesses qui ne coûtent rien quand je lui vis l'air un peu plus préoccupé qu'à l'habitude.
    — Ce butor a l'art de geindre, répondis-je.
    — C'est vrai, mais comme tous les plaintifs, il adore qu'on l'écoute. Je l'encourageai un peu et il me déballa le reste. Figurez-vous que le roi lui réclame depuis quelque temps du neuf à son menu.
    — Il ne goûte plus les cailles ?
    — Toujours autant, sûrement, mais il veut à nouveau qu'on lui serve un gibier plus consistant.
    — C'est-à-dire ?
    — Lebel n'a pas su ou pas voulu m'en dire plus ; toutefois, je miserais bien quelques rouleaux de doubles-louis que le roi est en chasse d'une favorite.
    — Vous pensez ?
    — Je le crois. Et c'est d'ailleurs pour cela que Lebel est si inquiet. Où voulez-vous que ce paltoquet déniche une candidate de ce calibre ?
    — Je vois…
    — Nous nous comprenons. Et c'est parce que j'estime qu'il y a là un coup à jouer que j'ai invité Lebel demain soir à souper chez moi, malgré qu'il me déplaise de faire entrer dans ma maison ce genre de coquin.
    — C'est une occasion inespérée… Mais ne craignez-vous pas qu'il se méfie ?
    — Il s'est senti flatté de tant de sollicitude à son égard et sa profonde fatuité l'empêche de discerner une quelconque ruse. Je pense qu'il ne se doute pas de ce qui l'attend.
    — Un nain cajolé par un géant se convaincra toujours qu'il est de taille à s'asseoir à la même table.
    — Merci du compliment, cher comte, mais j'espère surtout que Jeanne sera à la hauteur, car ce pygmée est souvent bien acariâtre.
    — Je vous promets qu'elle y mettra tout son cœur. Demain, elle viendra chez vous dans l'après-midi. Vous pourrez ainsi lui donner les derniers conseils.
    — Fort bien. Le souper nous servira à ferrer le poisson. Il ne doit plus avoir que Jeanne en tête. Mais il ne repartira pas avec elle.
    — Ah bon ?
    — Non, si elle lui plaît, il saura me le dire. Je le pratique depuis assez longtemps. Nous le ferons patienter quelques jours avant de lui envoyer Jeanne. Cela l'échauffera d'autant.
    — C'est une bonne stratégie.
    — C'est un peu mon métier, vous savez, acheva-t-il.
    Le duc rentra chez lui en compagnie de mes deux pensionnaires avec lesquelles je l'avais trouvé. Il possédait en effet une santé à enterrer du monde.
    Toujours les mêmes lecteurs trouveront qu'il est affligeant qu'un maréchal de France et un gentilhomme de vieille souche comme moi complotent de la sorte pour régaler les vices d'un valet de chambre. Si certains se sentent blessés au chapitre de la morale, vous savez ce que j'en pense. Arrivés à ce point de mon récit, il faut qu'ils s'en accoutument car ils ne sont pas au bout de leurs indignations. Quant à ceux qui s'inquiètent pour Jeanne, je leur dirai que dans un monde qu'ils imaginent peuplé d'innocents moutons blancs, certaines brebis n'ont pas peur du loup. Et puis ce sacrifice était la condition pour accéder au lit du berger, ce qu'elle comprit fort bien lorsque je lui expliquai notre plan.
    Le souper se passa comme il avait été décidé. Jeanne rentra fort tard et me raconta tout par le menu. Car bien sûr je n'y étais pas, ma présence aurait sans nul doute éveillé les soupçons de Lebel. M. de Richelieu avait invité quatre ou cinq de ses habituels commensaux, débauchés comme lui, auxquels nous avions ajouté trois de mes filles. Ces figurants n'étaient là que pour

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