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Pour les plaisirs du Roi

Pour les plaisirs du Roi

Titel: Pour les plaisirs du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Philippe Hugon
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vient ce vernis ?
    — Des bonnes sœurs du faubourg Saint-Marcel, où elle a été en pension dix années – et de mes leçons assidues.
    — Merveilleux.
    Lebel m'invita à le suivre à une fenêtre de son appartement. De ce point de vue, on découvrait la cour principale du château et la grande entrée.
    — Vous savez, monsieur le comte, beaucoup m'envient ce logement. Je le tiens de mon père, concierge du château comme moi. On sait combien coûte ici une simple fenêtre. Pour moi seul, j'en ai six. Elles ont un autre avantage : je vois passer Sa Majesté presque tous les jours quand Elle est à Versailles : la chapelle royale est à deux pas. Vous me comprenez ?
    — Je saisis mal…
    — Je suis proche du roi, c'est ma fonction, mais tout le monde ne peut en dire autant. Pour le voir, ou même le croiser, il s'agit de se trouver au bon endroit.
    — J'entends bien.
    — Le roi est un homme pieux. La chapelle reçoit sa visite assidûment : il suffit d'être sur son chemin.
    — Je comprends mieux…
    — Eh oui, car votre protégée ne saurait s'installer au Parc-aux-Cerfs. Le roi en est un peu lassé, et puis surtout, il veut être étonné. C'est sa tocade.
    — Une bien honnête manie…
    — Certes, mais il faut savoir accommoder les surprises lorsqu'on veille sur lui. Voici comment je vois la chose. Un jour, je vous dirai lequel par un billet, Mlle de Vaubernier devra venir me voir ici. Nous nous mettrons ensuite ensemble en grande conversation, bien en évidence sur le passage du roi au retour de la chapelle. Il a toujours l'esprit plus net quand il en revient.
    — Les bénéfices de la confession, sûrement.
    — Il n'y va pas toujours à confesse, mais il aime ce lieu. Toujours est-il qu'à ce moment il ne manquera pas de la remarquer. Peut-être même s'arrêtera-t-il.
    — Dieu vous entende.
    — Le soir, pendant mon service, il m'interrogera et je dirai qu'elle est une jeune femme venue plaider une cause quelconque.
    — Oui, c'est une bonne idée, dites qu'elle était à Versailles chez l'intendant Foullon pour les affaires de la Corse. Elle y a des intérêts.
    — Ah bon, très bien, cela n'en sera que plus vrai.
    — Mais comment répondrez-vous si le roi vous demande d'où vous la connaissez ?
    — C'est la fille d'une de mes connaissances. Ce sera un pieux mensonge.
    — Et s'il veut la voir ?
    — Elle sera à sa disposition car elle ne sera pas loin.
    — Au Parc-aux-Cerfs ?
    — Non, vous dis-je, elle n'est pas de cette clientèle-là.
    — Alors ?
    — Elle sera ici, dans mon appartement.
    — Dans votre appartement…
    — Oui, monsieur le comte. Ne doutez pas que si Mlle de Vaubernier procure au roi un émoi identique à celui qu'elle me fit chez M. de Richelieu, il sera impatient. Le roi n'aime pas attendre. Peut-être même qu'il voudra la voir le soir même. Il est ainsi.
    — Tout cela me passionne, vous vous en doutez.
    — Je comprends, d'autant que Sa Majesté sait être généreuse. Mais que la jeune Mlle de Vaubernier ne s'illusionne pas. Au mieux, elle amusera le roi quelques jours. Elle n'est que de passage, dites-le-lui bien.
    — Comme nous tous, mais je la sermonnerai à ce sujet, ne vous inquiétez pas.
    Lebel m'instruisit encore de quelques autres détails qui pouvaient être utiles à Jeanne, puis nous nous séparâmes comme deux conspirateurs en promettant de garder secret ce stratagème. Lebel craignait qu'il ne se dise qu'on l'avait vu avec un ennemi de M. de Choiseul, mais le désir de plaire à son maître était plus fort. Il voulait lui faire le cadeau de Jeanne, et je n'allai pas le priver de ce plaisir.
    Les jours qui suivirent furent parmi les plus longs de mon existence : j'attendais fébrilement des nouvelles de Lebel. Le mois de mars était presque achevé quand un matin un courrier m'avertit enfin de lui dépêcher Jeanne. J'allai la rejoindre dans sa chambre pour la prévenir.
    — Jeanne, il faut vous préparer au rôle de votre vie, lui dis-je. De ce moment, de cette nuit, peuvent dépendre toutes les autres.
    Jeanne ne parut pas émue. Elle savait parfaitement l'immense enjeu de ce rendez-vous, pour elle comme pour moi.
    — Je sais à qui je dois ce que je devrai, répondit-elle seulement.
    — J'espère qu'il en sera toujours ainsi.
    Jeanne partit avant midi en direction de Versailles. Mon destin l'accompagnait.
    21 Dans ses Mémoires, le duc de Choiseul situe cet événement à la fin du printemps de l'année suivante. On verra plus loin qu'il

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