Prophétie
écrit vous-même, par hasard ?
— Bien sûr que non ! rétorqua Benson.
— Le tueur savait que nous étions sur le point de découvrir la sixième victime, dis-je.
— Et maintenant il nous donne son adresse ? s’écria Harsnet d’un ton incrédule. Il se rend ? »
Quoique répugnant à toucher l’écriture du meurtrier, je pris le feuillet. « Non, car cela signifierait qu’il renonce à sa mission. Et Goddard est peut-être la victime et non pas le meurtrier. Celui-ci ne nous invite peut-être pas dans ce village pour se rendre, mais peut-être pour que nous découvrions le septième et dernier cadavre. Le tremblement de terre qui annoncera la fin du monde. »
Le silence régna quelques instants. Le doyen nous dévisagea, l’air perplexe. « Il y a eu une sixième mort ? Qui ? Ici ? » Il regarda à l’entour, puis ses yeux se posèrent sur le puits.
« Au fond, dis-je. Francis Lockley, votre ancien frère convers. »
Le doyen fixa l’ouverture, puis fit un pas en arrière. « Monsieur le doyen, dit Harsnet, rentrez chez vous et n’en bougez pas, au cas où nous aurions à nouveau besoin de vous. Et ne parlez de cela à personne. Puisque vous avez vu que la famille Seymour est impliquée dans cette affaire, vous en comprenez l’envergure.
— Et qu’allez-vous faire maintenant ? s’enquit Benson.
— Prendre les mesures qui s’imposent, répondit évasivement le coroner.
— Sortez ! Vous nous faites perdre du temps, lança brutalement Seymour. À moins que vous ne vouliez que je vous montre ce qu’il y a au fond de ce puits ? Ce n’est pas joli à voir. »
Le doyen recula, nous dévisagea l’un après l’autre, puis sortit. Il cria à ses accompagnateurs de le suivre et nous entendîmes leurs pas s’estomper sur les pavés mouillés.
« Nous devrions nous rendre à Totteridge sans plus tarder, nous dit Harsnet. Sir Thomas, pouvez-vous fournir quelques hommes ?
— Je ne suis pas du tout certain que ce soit une bonne idée ! m’écriai-je avec force. C’est ce qu’il espère. Nous risquons de tomber dans un piège.
— Mais si sir Thomas peut fournir quelques hommes, dit Barak, et que nous arrivons en force.
— Le bossu a raison, dit Seymour. Cet individu nous attend là-bas de pied ferme. Il serait préférable que j’envoie à ce village deux hommes de confiance, mon intendant et un autre homme, un ancien soldat, qui était avec moi en Hongrie. Ils pourront sonder le coin, chercher à savoir si Goddard vit bien là, entrer en contact avec le magistrat du cru, et nous faire leur rapport dès ce soir. Monsieur le coroner, vous devriez informer l’archevêque de ce qui s’est passé, et dès le retour de mes hommes, j’irai le mettre personnellement au courant des résultats de leur enquête.
— Nous devrions investir les lieux, insista Barak.
— Voyons d’abord comment les choses se présentent. On pourra s’y rendre en force demain… Nous aurons besoin de l’accord de l’archevêque », ajouta sir Thomas en se tournant vers le coroner.
Malgré ses paroles blessantes, j’éprouvai un regain de respect pour lui. Ayant été ambassadeur en Hongrie à la tête d’une armée combattante, il pensait stratégiquement.
« Je devrais accompagner vos hommes, affirma Harsnet.
— Non, Gregory, dis-je. Il est quasiment certain que le tueur vousreconnaîtrait, puisqu’il nous a suivis, tandis que les hommes de sir Thomas pourront discrètement sonder la population du village.
— Si vous pensez que cet individu est possédé du diable, reprit Seymour, eh bien, à nous de nous montrer aussi malins que lui ! »
Harsnet se renfrogna. « Nous avons besoin d’hommes de toute confiance, déclara-t-il, après un court silence.
— Ne vous en faites pas, monsieur le coroner ! s’esclaffa Seymour. Mon intendant est un homme de toute confiance et qui ne boit pas. Il va même à l’église le dimanche quand je n’ai pas besoin de lui pour organiser une partie de chasse. »
Harsnet se tourna vers moi. J’opinai du chef. « Fort bien », acquiesça-t-il à contrecœur.
Seymour jeta un coup d’œil vers Padge, le gardien. « Et je vais le faire remplacer par quelqu’un qui éloignera également les curieux. Gardez-le quelque part en sécurité et donnez-lui à boire. Depuis tout à l’heure il n’a pas cessé d’actionner ses grandes oreilles. » Le gardien le regarda d’un air vexé, sans oser répliquer. « Il
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