Prophétie
celle de Guy, on voyait un homme vêtu d’une longue robe verser une poudre dans un grand pot. Nous attachâmes les chevaux devant la façade. « Me laisserez-vous mener l’interrogatoire ? me chuchota Barak.
— Tu penses que je serais trop gentil avec lui ? Je te promets qu’il n’en sera rien.
— Je crois qu’un interrogatoire serré mené par moi lui ferait perdre contenance. »
Je réfléchis quelques instants. « Eh bien, d’accord ! »
Il cogna contre la porte. On entendit un bruit de pas, et Piers ouvrit la porte, une bougie à la main. Il nous dévisagea, l’air surpris.
« Le Dr Malton est sorti, monsieur.
— On est au courant. C’est toi qu’on vient voir, jeune coq ! » lança Barak d’un ton joyeux en se glissant dans l’échoppe. Je le suivis en faisant un maigre sourire à l’apprenti. Piers ou Guy avaient dû se livrer à des expériences, car la table à l’autre bout de la pièce était encombrée de flacons et de fioles pleines de liquide.
« Tu as découpé quelqu’un aujourd’hui ? s’enquit Barak.
— J’étais en haut. En train d’étudier. Je ne comprends pas… » L’air soumis, il parlait d’une voix calme, mais une lueur de colère brillait dans ses yeux quand il se tourna vers moi. « Pourquoi permettez-vous à votre valet de me parler sur ce ton, monsieur ?
— J’ai quelques questions à poser et Barak peut le faire à ma place en tant que serviteur loyal s’adressant à un autre serviteur loyal.
— Il paraît que de l’argent appartenant au Dr Malton a disparu, reprit Barak. Es-tu au courant ? »
Le visage de Piers resta impassible. « Non. Il me semble que si le Dr Malton s’est aperçu qu’il lui manquait de l’argent il aurait dû m’en parler lui-même.
— Certes. Mais il se trouve que messire Shardlake est son avocat. »
Sous le feu rapide des questions, le regard perplexe de Piers passait vivement de Barak à moi. « Je refuse de croire que le Dr Malton vous a autorisé à me questionner de la sorte, dit-il.
— Quoi qu’il en soit, nous sommes là. Le vol est un crime passible de la peine de mort. »
Les yeux de l’apprenti s’étrécirent. « Je ne suis pas coupable. Je vais informer le Dr Malton de votre comportement. Il n’appréciera pas.
— C’est lui qui nous a parlé du vol d’argent, dis-je.
— Où se trouve ta chambre ? lança Barak.
— Au premier. Mais vous n’avez pas le droit d’y pénétrer ! En tant qu’apprenti, j’ai des droits ! s’exclama-t-il, le visage empourpré et sa voix montant de plusieurs tons.
— Qu’à cela ne tienne ! Je monte fouiller sa chambre ? me demanda Barak.
— Je vais m’en occuper. Reste ici et surveille-le. » L’air effrayé à présent, le jeune homme recula d’un pas, bloquant la porte intérieure de son corps robuste. « Non ! Vous n’avez pas le droit ! »
Dégainant son épée, du bout de la lame, Barak l’obligea à dégager le passage. La mâchoire serrée, le souffle court, Piers me regarda franchir la porte. Je gravis l’étroit et sombre escalier. Guy ne voulant pas que des domestiques s’affairent au milieu de ses instruments, il n’y avait personne d’autre dans la maison. Une porte était ouverte à l’étage.
Sur un pupitre, la précieuse édition du manuel de Vésale était ouverte à une page où figurait un squelette suspendu à une potence. Une plume était posée à côté : Piers était en train de copier l’ignoble dessin. Avec grand talent.
Je fouillai la pièce. Sur l’étagère, parmi les livres traitant de maladies et d’herbes médicinales, je découvris un exemplaire du Livre noir, résumé des cas les plus atroces de sodomie et de fornication mis au jour huit ans plus tôt par les agents de Cromwell, au cours de leur enquête sur les monastères. Un grand nombre d’exemplaires avaient été vendus à des lecteurs libidineux. Un coffre contenait des vêtements, certains, étonnamment, d’excellente qualité. Fouillant le lit, je découvris sous le matelas un petit sac en cuir dans lequel se trouvait un certain nombre de pièces d’argent dont la somme totale se montait à plus d’une livre, magot incroyable pour un apprenti. Je le pris, quittai la chambre et redescendis l’étroit escalier.
Piers se tenait contre la table, tandis que Barak lui faisait face, l’épée au clair. Je brandis l’étui. « De l’argent, fis-je.
— Ainsi donc, mon joli, tu es bien un
Weitere Kostenlose Bücher