Prophétie
faut que Janley retourne à la taverne, conclut Seymour en nous faisant soudain un grand sourire. Taïaut, messieurs ! La chasse à l’homme est presque terminée. »
Après son départ, Harsnet ordonna à Janley et au gardien de rester dans le local des écluses, puis nous pria, Barak et moi, de sortir avec lui. La pluie avait heureusement cessé et un pâle soleil tentait de percer les nuages.
« Donc, d’après vous, Barak, il est possible qu’il ait laissé des traces ? On va voir ? Ensuite, il faudra que j’aille faire mon rapport à l’archevêque. »
Il restait silencieux, l’air songeur, tandis que nous passions la porte d’enceinte et longions le mur extérieur. Nous franchîmes une grille qui s’ouvrait sur un verger et les moments qui avaient suivi la mort de Roger à Lincoln’s Inn me revinrent en mémoire.
Barak mena la marche à travers les hautes herbes entourant les arbres et qui trempaient davantage mes chaussures et mes bas-de-chausses. « Je ne vois rien, dit-il. Tout est détrempé… Si, un instant ! fit-il en désignant le sol, à l’endroit où un long sillon était visible dans l’herbe fortement aplatie.
— Qu’est-ce que c’est ? demandai-je.
— La trace d’une roue de brouette. Il a dû avoir à parcourir une certaine distance pour transporter le corps de Lockley depuis l’endroit où il le cachait.
— Mais un homme transportant un corps dans une brouette ne peut guère passer inaperçu.
— Pas s’il le dissimule sous une bâche… Où cette piste peut-elle bien mener ? » Il se mit à suivre la mince trace à travers le verger, et cela nous reconduisit vers Aldersgate Street. Elle empruntait une brèche dans une haie avant de disparaître dans l’herbe courte d’un sentier contournant un champ. Barak contempla la route lointaine.
« Il fait très attention et prend tout son temps, observa Harsnet. Il a dû d’abord tuer Lockley puis est revenu s’occuper de mame Bunce. Il a dû entreposer le corps de Lockley quelque part avant de le mettre dans la canalisation le soir même.
— Ce qu’il a fait à mame Bunce a dû lui prendre la plus grande partie de la nuit, dis-je.
— Comment a-t-il pu maîtriser les deux taverniers ?
— Il se peut qu’il ait réussi à leur faire prendre du papaver à tous les deux. Il est peut-être arrivé tard et les a convaincus de boire un verre de bière avec lui. Il est assez malin pour parvenir à ses fins, quelles qu’elles soient, ajoutai-je amèrement.
— Et maintenant, il a décidé de nous attirer dans ce village, déclara Barak.
— En effet. Je pense que vous avez raison, me dit Harsnet. La septième coupe sera versée d’une manière ou d’une autre dans ce village du Hertfordshire. J’aurais dû me joindre aux hommes de sir Thomas. »
J’admirai son courage, sans pouvoir être d’accord avec lui. « La possibilité de mener une enquête discrète peut faire toute la différence. »
Harsnet hocha la tête à regret. « Que va-t-il faire ? s’écria-t-il, d’une voix tendue. Qui sera la septième victime ? L’un d’entre nous, un inconnu, ou un autre ancien membre de l’abbaye ? En fait, la victime est sans doute déjà morte et un nouveau cadavre attend d’être découvert.
— On devrait s’assurer que le jeune Cantrell est en sécurité, dis-je.
— Oui. Et qu’il n’a pas déjà été assommé et transporté quelque part dans une brouette ! » s’exclama Barak avec une soudaine hargne. Maintenant que la recherche des traces était terminée, la tension était à nouveau visible sur son visage. Il se tourna vers moi.
« Quelles monstruosités cauchemardesques nous réserve-t-il, cette fois-ci ? Et comment va-t-il s’y prendre pour déclencher un tremblement de terre ? »
37
N ous regagnâmes l’endroit où Sukey et Genesis paissaient les longues herbes poussant le long du mur d’enceinte. Me retournant pour regarder le portail où le bras du prieur Houghton avait été cloué, je crus presque discerner une traînée rouge sur le bois. « Il y a eu tant de violence ces dix dernières années, dis-je, que le plus étonnant, c’est peut-être qu’il n’y ait pas eu davantage de gens obsédés par le désir de tuer. » Je repensai au moment où j’avais découvert le corps nu de Lockley, crucifié au fond du puits. Il me semblait que je revoyais de moins en moins souvent le visage de Roger, comme si les dernières horreurs l’avaient
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