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Prophétie

Prophétie

Titel: Prophétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom , Georges-Michel Sarotte
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trouvaient deux énormes armures, et une demi-douzaine de lances de joute étaient appuyées en tas contre le mur. Le teint bistre, les cheveux noirs, l’air apeuré, serrés les uns contre les autres, quatre hommes et trois femmes, celles-ci tenant des enfants sur les genoux, avaient trouvé place sur les bancs. Ils agrippaient tous des instruments de musique : luths, tambourins, et même une harpe. Les pourpoints des hommes et les robes des femmes étaient complètement trempés.
    « L’un d’entre vous parle-t-il anglais ? » demandai-je.
    L’un des hommes se leva. « Moi, je le parle, dit-il avec un fort accent.
    — Vous êtes la famille Bassano, les musiciens du roi ?
    — Oui, monsieur, répondit-il en inclinant le buste. Je suis leur domestique. Le signor Granzi.
    — Que vous est-il donc arrivé ? lança sir Thomas. Vous avez l’air d’une bande de rats noyés.
    — Quand on s’est levés ce matin, nos logements étaient inondés et on avait de l’eau jusqu’aux chevilles. Le sol est en pente à partir du local des écluses. L’eau était entrée dans nos chambres. On a dû sauver nos instruments. On a couru jusqu’ici pour appeler le gardien. Qu’est-ce qui s’est passé, monsieur ? On a entendu le gardien hurler.
    — Rien qui doive vous tracasser.
    — L’un de vous aurait-il entendu quelque chose de bizarre la nuit dernière ? » demandai-je. Maître Granzi consulta les autres dans leur langue étrange et musicale, puis secoua la tête. « Non, monsieur. On était tous en train de dormir. »
    Sir Thomas poussa un grognement. « Allons-y, Padge ! Emmène-nous où tu as trouvé le corps ! » s’écria cette brute en poussant le gardien dehors sous la pluie.
    Comme nous traversions la cour, Harsnet me rejoignit. « Ces musiciens jouent devant le roi. S’ils apprennent qu’un meurtre a été commis ici, cela fera un bon sujet de commérage à raconter à la Cour. Il ne faut pas qu’ils sachent ce qui s’est passé.
    — Tout à fait d’accord. Était-ce là le but du meurtrier ?
    — Nous dirons qu’il s’agit d’un accident.
    — Padge est un ivrogne. L’alcool lui délie la langue.
    — Je l’emmènerai avec moi quand on repartira. Je vais le garder au secret et le remplacerai pour le moment par l’un des hommes de sir Thomas. Je vais m’arranger avec la Cour des augmentations. »
    Padge nous raccompagna jusqu’au corps de garde, où il s’était approprié une pièce et y avait installé un lit de camp. La chambre empestait la bière. Il alluma trois lampes au feu qui brûlait dans l’âtre, puis nous les donna, à Barak, à Janley et à moi.
    « Nous en aurons besoin, monsieur », dit-il, avant de nous conduire à nouveau dans la cour. Nous le suivîmes, la tête baissée à cause de la pluie, jusqu’à une petite construction carrée isolée des autres. Au centre du sol de pierre, on voyait une grande ouverture carrée, protégée par un garde-fou de faible hauteur. Une échelle métallique fixée dans la paroi descendait dans un puits de brique tapissé de lichen verdâtre. Une grosse roue se trouvait sur le côté.
    « Hier soir, j’ai laissé les portes des écluses entrouvertes, expliqua Padge. Après toutes les pluies qu’on a eues, ça déborde et il faut que l’eau s’écoule. Ce matin, quand je suis arrivé, j’ai voulu les ouvrir en grand en manœuvrant la roue, mais elles étaient complètement coincées. J’ai regardé à l’intérieur du puits et… vous allez voir. » La main qui tenait la lampe se mit à trembler.
    Nous nous approchâmes tous du garde-fou, brandissant nos lampes au-dessus du puits, qui avait une vingtaine de pieds de profondeur. Au fond, sur un côté, deux lourdes portes de bois d’environ huit pieds dehauteur étaient fixées dans le mur de brique. Elles étaient légèrement entrouvertes, juste assez pour laisser passer un filet d’eau. J’écarquillai les yeux en découvrant le corps nu d’un homme, retenu au bas des portes de bois et figé dans une étrange posture, jambes et bras écartés contre les portes, le visage tourné vers le haut, simple tache blanche dans l’obscurité. Je discernai cependant les traits de Lockley.
    « Le corps est, d’une façon ou d’une autre, fixé aux portes, observa Padge.
    — Êtes-vous descendu pour vérifier ? » demanda sir Thomas. Padge secoua vigoureusement la tête.
    « On a intérêt à voir ce qu’il en est. Barak, Harsnet, accompagnez-moi.

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