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Prophétie

Prophétie

Titel: Prophétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom , Georges-Michel Sarotte
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une date pour examiner les demandes concernant Adam Kite.
    La matinée avait enfin une saveur printanière, et il soufflait une douce brise, légèrement humide. D’habitude, cela m’aurait mis de bonne humeur, mais ce jour-là j’avais le cœur trop lourd. Comme nous traversions Fleet Street sur le chemin de Temple Bar, nous aperçûmes un pénitent hérétique que l’on menait à Saint-Paul. Vêtu d’une tunique grise, il portait un faisceau de branchettes de bouleau dans des mains tremblantes. On avait versé des cendres sur sa tête et ses épaules, ce qui rendait tout gris son visage et ses cheveux. Une corde passée autour du cou, il était tiré par l’un des hommes de l’évêque Bonner. Armés d’épées, trois hallebardiers les suivaient, tandis qu’un homme battant le tambour précédait la petite procession. Des passants s’arrêtaient, certains lançaient des quolibets et d’autres regardaient d’un air grave. Quelqu’un cria : « Courage, mon frère ! » Les soldats tournèrent la tête d’un air furieux. Stupéfait, je constatai que l’homme attaché était le prédicateur exalté du marché de Newgate. Il avait dû être arrêté pour avoir prêché sans licence. On allait le conduire à la croix du cimetière de Saint-Paul, où Bonner dénoncerait à son adresse le péché d’hérésie. S’il était à nouveau pris en flagrant délit, il risquait le bûcher.
    La glace avait désormais complètement disparu du fleuve, qui avait beaucoup monté et dont les eaux grises coulaient à vive allure. Les bateliers ayant passé un rude hiver, comme chaque fois que le fleuve gelait, le rameur du bateau que nous prîmes à l’embarcadère de Temple Stairs avait le visage émacié et un air famélique. Je lui enjoignis de gagner Westminster.
    « Le débarcadère est endommagé, monsieur. La glace a rompu les pilots et il faudra les remplacer.
    — Emmenez-nous à celui de Whitehall Stairs, alors », soupirai-je, rebuté par la perspective d’avoir à me frayer un chemin parmi les foules de Westminster. L’homme se mit en route et je m’absorbai dans la contemplation du fleuve. J’avais passé la plus grande partie de la journée précédente à examiner les dossiers de Roger et à donner des instructions à son premier clerc. J’avais ensuite écrit une lettre au jeune Samuel Elliard, à Bristol. Quand j’étais retourné voir sa mère ce soir-là, je l’avais trouvée dans une attitude de repli intérieur, fixant les flammes, tandis que sa servante lui tenait la main. On avait fini par la convaincre d’aller se coucher.
    « Vous avez entendu parler de ces énormes poissons ? demanda le batelier, interrompant le cours de mes tristes pensées.
    — Quoi ? Ah oui…
    — Ils ont surgi de dessous la glace. Y sont presque aussi gros que des maisons… J’les ai vus », précisa-t-il. Il hocha la tête en souriant.
    « Comment sont-ils ? s’enquit Barak avec intérêt.
    — Gris. Avec de grosses têtes et des dents drôlement bizarres. Ils ont déjà commencé à sentir mauvais. On les ouvre pour en tirer de l’huile, même si certains disent qu’ils sont maudits. Mon pasteur affirme que c’est le Léviathan, l’énorme monstre monté du fond des mers et qui annonce le second avènement du Rédempteur.
    — Ce ne sont peut-être que des baleines, répliquai-je. Une sorte de poisson gigantesque qui vit dans les mers profondes. Les pêcheurs en parlent.
    — Le fleuve, c’est pas les mers profondes, monsieur. Et ils sont plus gros que le plus gros des poissons. Ils ont des têtes énormes. Je les ai vues, comme la moitié des Londoniens. »
    L’embarcation se rangea contre le débarcadère de Whitehall Stairs. Nous passâmes sous Holbein Gate puis longeâmes King Street. Je gardai une main sur ma bourse, aucun endroit dans tout le pays n’étant aussi peu sûr que Westminster. Devant nous se dressait la grande masse de l’abbaye, dominant même le bâtiment voisin, Westminster Hall, où siégeaient la plupart des tribunaux. Derrière s’étendait un enchevêtrement de maisons, rescapées de l’incendie qui avait détruit une grande partie du palais de Westminster, une génération plus tôt. La Chambre des communes tenait ses séances dans la Painted Chamber – la « Chambre peinte » – et la Cour des requêtes siégeait tout près.
    Autour de l’abbaye et de Westminster Hall se trouvait un tohu-bohu d’échoppes, d’auberges et de tavernes fréquentées

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