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Prophétie

Prophétie

Titel: Prophétie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom , Georges-Michel Sarotte
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par les avocats, les ecclésiastiques et les députés de passage. Colporteurs, marchandsambulants et prostituées se pressaient dans les rues, et depuis longtemps la présence du « Sanctuaire » de Westminster attirait des voyous dans la zone. La gestion du lieu était chaotique, les demandes des riches citadins pour qu’il soit incorporé à la ville ayant toujours été rejetées, et maintenant que l’abbaye avait été dissoute, les anciens pouvoirs séculiers de l’abbé n’existaient plus.
     
     
    Le Parlement étant en session, King Street était encore plus encombrée et bigarrée que d’ordinaire. Les échoppes et les maisons se chevauchaient le long de la rue, les grandes demeures des riches commerçants avec leurs étages en surplomb côtoyaient des masures délabrées. Les nombreuses tanneries et briqueteries avoisinantes dégageaient une odeur nauséabonde. L’année précédente, les juges s’étaient plaints que, durant la procession annuelle, où ils devaient revêtir la robe officielle, ils avaient été contraints de se frayer un chemin entre les moutons et le bétail que l’on menait au marché.
    Nous jouâmes des coudes pour gagner Palace Yard – la cour du Palais –, passant devant des boutiquiers qui vantaient leur marchandise. Il y avait d’innombrables colporteurs, certains faisant l’article depuis des charrettes tirées par des ânes, d’autres portant un méli-mélo de babioles sans valeur sur des plateaux accrochés à leur cou. S’ils approchaient, Barak les chassait d’un geste. Un groupe de jeunes gars dépenaillés mais musclés regardaient un homme mûr à l’air hautain, vêtu d’un manteau doublé de zibeline et d’un beau pourpoint à crevés laissant voir la doublure de soie. Il marchait d’un pas tranquille ! Sans doute un député monté de sa province, assez naïf pour faire étalage de sa richesse dans King Street. S’il avait fait nuit il aurait risqué gros.
    « La commission d’enquête se réunira demain, dis-je à Barak. J’ai reçu un message tôt ce matin. Désolé, j’ai oublié de te le dire.
    — Ma présence sera nécessaire ?
    — Oui. Et celle de Dorothy également, la pauvre femme. Ce sera affreux pour elle. C’était un couple très aimant.
    — Est-ce qu’elle pourra répondre aux questions des enquêteurs ?
    — Je l’espère. Elle est forte. Je suis allé la voir à la première heure. Elle est toujours peu loquace, blanche comme un linge… Fichtre, pourvu que les gazetiers ne s’emparent pas de l’histoire pour la propager dans toute la ville !
    — Ils adoreraient ça.
    — Je le sais. Mordieu, le coroner Browne est absolument incompétent ! La commission d’enquête aurait dû se réunir hier. Le tueur peutdéjà se trouver à l’étranger. J’ai décidé d’aller rendre visite à Guy tout à l’heure pour voir ce qu’il a découvert sur l’état du corps. »
    Un colporteur en haillons avec son plateau de babioles me barra le chemin. « Des bagues et des broches, monsieur, pour votre dame. En provenance directe de Venise… » Je le contournai. Nous étions à présent presque arrivés à New Palace Yard – la cour du Nouveau Palais –, le grand portail de l’enceinte de l’abbaye de Westminster se trouvant juste devant nous. La foule était encore plus dense et, comme je franchissais la porte, je faillis trébucher contre un tricheur professionnel, qui, assis tout à côté et muni de ses dés pipés, invitait les passants à tenter leur chance. Nous entrâmes dans Westminster Yard, vaste espace déjà plein d’avocats. L’horloge du beffroi indiquait neuf heures et demie. Nous étions à l’heure, ou presque.
    « Tammy m’a dit que vous étiez passé chez nous l’autre soir », dit Barak.
    Elle lui avait donc fait part de ma visite. Était-ce pour me forcer à lui parler ? Mais ce n’était pas le bon moment. « Je passais devant la Vieille Barge en revenant de chez Guy, expliquai-je d’un ton désinvolte. Votre bâtiment est très humide. »
    Il haussa les épaules, l’air morose. « J’aurais déménagé si le bébé avait vécu. Mais ça n’a pas été le cas.
    — Tamasin m’a semblé un peu… abattue.
    — Elle ne devrait plus penser au bébé. Comme je m’y suis moi-même efforcé… Elle a la faiblesse des femmes, ajouta-t-il en durcissant le ton. Où est donc passée sa force de caractère de jadis ? » Il évitait mon regard, ce qui était chez lui inhabituel.

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